La
peinture
de Mariano Hernandez,
entre obsession et lumière Cycles
d’œuvres monumentales ou intimistes, sombres ou
saturées de couleurs, aux lignes dures ou
fluides, aux formes
convulsives ou adoucies, où le message
politique
côtoie
les jardins intérieurs, où mythes anciens
et modernes se
mêlent à la mythologie personnelle du
créateur, une
multitude des genres s’entrecroisent dans l’art de
Mariano
Hernandez.
Venus del canapé, 1977 acrylique sur toile, 235 x 185 cm collection du LAAC (Musée d'Art Contemporain, Dunkerque) Rêvons un peu
devant ce
monde peuplé de personnages,
réels ou imaginaires, en voie de
métamorphose,
femme-oiseau, femme-féline, femme-guitare, chatte
humanisée prise dans une ondulation multicolore ou
pigeons
chaussés de galoches pour se protéger de
l’adversité, miséreux envahis par le gris de
la
ville, à qui le peintre tente de rendre leur
dignité
d’oiseaux du paradis.
Corps à mi-chemin
entre
l’animal et l’humain,
créatures hybrides dans la lignée des arts
amérindiens, traditions millénaires
réinventées, entre joie infinie et
souffrance insidieuse.
Cycle : Galaxia Taudis, inventaire journalier, 2007 acrylique sur papier, 75 x 56, 50 cm © Mariano Hernandez Des personnages
imbriqués les uns dans les autres surgissent
comme un langage et se rétractent à l’image
d’une écriture qui attend d’être
déchiffrée. Oubliés de la
société
réunis pour raconter leur histoire muette, chenille
silencieuse
suspendue comme un alphabet secret.
Fruits solitaires
imprégnés de la détresse de
l’artiste, solitudes qui se côtoient dans la
multitude.
Monstres qui s’agitent dans une quête
effrénée de vérité, où
les couleurs
tour à tour crient ou s’apaisent.
Cycle : Le Silence des pauvres : Minush et M. Baguette, 2003, acrylique sur papier, 30 x 25 cm © Mariano Hernandez Cycle : Le Paysan de Paris : Bords de Seine I, 1987-88 acrylique sur toile, 380 x 200 cm © Mariano Hernandez Chiens au visage humain
caressés par des mains sans visage,
mains torturées jaillies sur la toile, mains encore
humaines qui
cherchent à retenir l’amour dans un monde devenu
muet, cri
silencieux au milieu du fracas. Réduire la
représentation
de son corps pour se faire plus proche du chat,
n’être plus
qu’une main qui caresse, une tête monstrueuse,
tordue par
la tristesse, qui essaie de percer le secret de l’animal.
Les
regards démultipliés du cycle des Jardins
rituels sont
devenus mains crispées dans les œuvres plus
récentes, comme si toucher devenait
nécessaire pour se
raccrocher au réel.
Série : Jardins rituels : Présences dans un noir infini, 1974 peinture à l’acrylique, 195 x 195 cm © Mariano Hernandez Les frontières se
brisent, l’homme retrouve l’animal
en lui, et l’animal plonge dans le cycle des
métamorphoses.
Animaux sereins, corps estropiés s’embarquent pour
un
voyage à Canopée, loin du réel,
rejoindre les
fruits devenus planètes, comme le visage de
l’artiste et
celui de sa muse, qui tourbillonnent, astres
brûlants
d’amour et de colère, sans plus réussir
à se
rencontrer, éperdus de solitude. Quand l’univers
extérieur du peintre se
rétrécit, les fresques monumentales, jungles
multicolores
qui s’ébattent au soleil, laissent place à
l’univers intérieur.
Cycle Soledades : Soledades de Otono, 2003 acrylique sur toile,162 x 131 cm © Mariano Hernandez La familia
« Pan-flauta », 2001
245 cm x 185 cm, acrylique sur toile © Mariano Hernandez
Comme Xavier de Maistre,
Mariano Hernandez « voyage autour
de [s]a chambre » : un chat, des fruits,
un monde
intime qui se dilate, explosion d’un imaginaire où
les
fantômes du quotidien se mêlent aux cris des
autres, dont
l’histoire – celle des faits divers déconcertants
d’horreur ou des miséreux de la terre,
affamés,
blessés, pulvérisés – irradie le cœur
de sa lumière livide. Solitude majestueuse envahie
par un monde
qui le déchire de sa souffrance sans fin.
Les lignes et les aplats
de
couleur bien délimités de la
peinture monumentale s’estompent, évoluent vers
plus de
fluidité, s’épurent pour retrouver la
douceur des
tableaux peints à l’adolescence, personnages au
visage
mélancolique arrêtés dans des
scènes du
quotidien.
Interior, 1954 huile sur toile, 150 x 110 cm © Mariano Hernandez Retour à un monde
plus
personnel, loin des symboles et des
concepts. L’œuvre se déploie dans un nouveau cycle
qui oscille entre le réel, souvent amer ou
terrible, et des
échappées toujours plus grandes dans
l’imaginaire.
L’enfant assassiné par sa mère, fait divers
venu
hanter le peintre, devient un astre en pleurs qui illumine
les
rêves des oubliés, embarqués pour des
galaxies plus
paisibles. Et le visiteur, entraîné dans un
élan
coloré qui ondule d’une toile à l’autre tel
une vague d’espoir, tangue entre la tristesse et la joie.
Cycle : Soledades : Minouche et l'enfant aux larmes, 2007 (détail) 152 cm x 125 cm, acrylique sur toile © Mariano Hernandez Les obsessions du peintre
deviennent des leitmotive qui
s’enroulent les uns dans les autres. Univers circulaire
qui
tourbillonne, entre larmes et sourires éperdus. Les
larmes
rouges du petit Pakistanais, esclave enfantin à
peine
éclos au corps disloqué, brisé
déjà,
sculpture presque cubiste qui tend à
l’essentiel,
rejoignent celles du petit David, étranglé
par sa
mère, tourment de l’artiste qui lui offre une place
dans
son cirque personnel.
El Pakistanito, 1995 Construction en bois peint (60 x 40 x 20 cm) © Mariano Hernandez Cycle : Soledades : Family life, 2007 acrylique sur papier, 105 x 75 cm © Mariano Hernandez L’enfant en pleurs devient
enfant-fleur, enfant-nuage,
enfant-astre emporté par l’arche spatiale où
se
bousculent M. Baguette et M. Fourchette,
l’homme-machine et
la femme-guitare, espace réconcilié
où le chat est
relié à l’oiseau, êtres et choses
réunis dans une fraternité lumineuse
où
l’enfant et le fruit deviennent des frères siamois
aux
racines retrouvées. L’enfant prend un peu de
l’essence de la fleur pour s’élancer dans
l’espace coloré.
Cycle : Le Silence des pauvres : « Voyage au bout du silence », 2002 acrylique sur toile, 215 x 160 cm © Mariano Hernandez Fluidité d’un monde
qui
se rassemble dans une communion
première, où un chat aux yeux tendres
devient corps
enveloppant, divinité géante, satellite
protecteur
où fruits éparpillés et
traînées de
larmes sur les joues de l’enfant trahi échangent
leurs
substances, dialogue de formes et de couleurs où
bleu et rouge
s’interpénètrent, à l’image de cette
transsubstantiation lumineuse.
Cycle : Le Silence des pauvres : « Voyage à Canopé », 2003. acrylique sur toile, 162 x 131 cm © Mariano Hernandez Carnaval joyeux où
des
personnages malicieux surgissent de la
couleur, inventaire comme issu d’un poème de
Prévert où se bousculent dragons et fruits,
chiens
grimaçants et chats rêveurs, personnages sans
tête
ou sans corps, oiseaux candides ou angelots chevelus. Tout
comme il
investissait les espaces pour les intégrer à
son univers,
Mariano Hernandez projette sur la toile un peuple
bigarré
échappé de ses songes.
Birds of Paradise, 2004 acrylique sur papier, 20 x 50 cm collection privée, Deventer (Hollande) Anguéliki Garidis, 2007 Tableaux 2009 : Flores ocultas Tableaux 2012 : Les obsessions serpentines de M. Hernandez Texte seul |