Une oeuvre entière construite en noir et blanc dénonce
le Mal à travers les maux infligés aux hommes.
Dans la série Kaddish, Prière pour les morts,
des corps gravés, à peine visibles, sur un fond
de peinture noire, sont comme une trace de l'Holocauste. Corps
martyrisés, morcelés, dans des architectures déséquilibrées,
dans un monde qui a perdu son centre de gravité. Les silhouettes
reculent, se perdent dans un fond envahi par le noir. A l'instar
des "vases brisés", les décors de fissurent,
se démantèlent. L'architecture de l'univers se
défait.
Courtesy Jan Menses
Dans la série Klippoth, l'homme est perdu dans
un univers qui semble rendre, visuellement, les mondes labyrinthiques
et absurdes décrits par Kafka. Une silhouette s'effondre
dans une structure qui se disloque, instrument de torture géant
comme dans La Colonie pénitenciaire. L'homme semble
chercher, en vain, la clef.
Courtesy Jan Menses
Puis la figure humaine disparaît peu à peu. Les
klippoth, "puissances démoniaques", "débris",
sont souvent représentés par des formes qui oscillent
entre l'organique et l'apparence de la machine. Glissant, sans
aucune assise, dans cet univers fragmenté, démembré,
déconstruit, l'homme, déshumanisé, devient
globe, figure géométrique abstraite qui cherche
sa place dans un univers de lignes brisées. Globe, ou
oeil mécanique démultiplié, brillance sur
un fond noir sans aucune transparence.
Courtesy Jan Menses
Courtesy Jan Menses
Aboutissement de ce programme de conjuration du Mal par sa représentation,
la série Tikkun, qui évoque le processus
symbolique de "restitution" qui s'effectue, selon Louria,
"en partie en Dieu, en partie en l'homme" (Gershom
Scholem, La Kabbale et sa symbolique), fait réapparaître
la figure humaine dans son intégrité. Après
la confusion, la dislocation du monde, advient l'image utopique
de la Réparation. Le Grand Prêtre surgit, immense
dans la lumière blanche - comme Dieu s'est entouré
de lumière blanche lorsqu'il s'est apprêté
à créer, et tels les Kabbalistes de Safed, au 16e
siècle, vêtus de blanc le jour du Shabbat (G. Scholem,
Le Nom et les symboles de Dieu dans la mystique juive).
Tandis que dans les séries Kaddish et Tikkun
les oeuvres baignaient dans une lumière noire, la couleur
du deuil s'éloigne peu à peu pour laisser venir
la lumière.
Cohen Gadol
Courtesy Jan Menses
Courtesy Jan Menses
Jan Menses réinterprète les théories
de Louria à la lumière de la Shoah. Cependant,
même sans l'éclairage des textes de la Kabbale,
ses oeuvres parlent d' elles-mêmes. La violence, l'effroi
et la majesté qui en émanent font penser à
une mythologie personnelle. Si le monde pictural de Jan Menses
peut évoquer celui de Dante ou de Kafka, il a sa puissance
propre, unique.
Série Tikkun
Courtesy Jan Menses
Les oeuvres de Jan Menses sont exposées au musée
d'Art moderne de New York ainsi qu'au Solomon R. Guggenheim Museum,
au musée d'Art de Philadephie, dans des musées,
collections et galeries au Canada, en Hollande, au Japon, en
Russie, en Israël...
Anguéliki Garidis
Jan Menses vit actuellement à Jérusalem et Safed
:
- 29, Rehov Chai Taïb, Apt. 20, Har Nof, Jerusalem, Israel
95405.
- Artist colony, Safed, Israel.
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