En prison je m'oubliais complètement
en faisant sans cesse des portraits-esquisses. Je ne me souviens
plus de leur nombre. Toutes les détenues passaient par
cet atelier de photographie improvisé. L'artiste et les
modèles, assises face à face sur des bûches,
transformées en tabourets. Pas du tout confortables et
terriblement fatigants.
A un moment ils ont commencé à envoyer de province
à la direction de la prison des pétitions pour
la libération de détenus, signées par des
concitoyens, et il était nécessaire que figure
sur la requête une photographie, et que son authenticité
soit garantie par Petrandi (la directrice de la prison) . Même
si cela semble étrange, c'est un fait que le portrait-esquisse
a pris la place du portrait photographique et qu'il a été
rendu officiel par le tampon de la prison et la signature de
la direction.
Ma fatigue dûe à l'intensité de l'attention
était grande et je perdais l'occasion de me désengourdir
un peu en faisant des promenades dans la cour comme les autres.
Ensuite les modèles n'avaient pas tous de l'intérêt.
Il fallait pourtant qu'aucune ne soit oubliée.
(Virgo Vassiliou, Un brin fleuri de bruyère. Témoignage,
ed. Themelio, Athènes, 1999., p. 50)