Grain de lumière, photographies de Patrick Alphonse © Patrick Alphonse héliogravure sur washi
Voyager en solitaire à travers le monde pour recueillir une lueur, un
reflet, une silhouette minuscule qui donne un sens à l’immensité du
paysage, telle est la quête de Patrick Alphonse, photographe discret au
regard puissant qui, prenant le contre-pied de l’ère numérique, a
choisi la photographie argentique en noir et blanc, expérimentant les
encres et les supports, grâce au procédé de l’héliogravure, qui offre
aux images un grain unique.
Miracle d’un instant saisi : l’envol d’oiseaux marins, aligné sur les balles du jongleur qui s’élèvent, à Bénarès, le reflet d’un vol de mouettes sur l’eau d’un ruisseau qui serpente, en Islande, comme une trouée dans le ciel, étendue liquide et éthérée se rapprochant souvent dans les photographies de Patrick Alphonse, où le travail du clair-obscur et du noir et blanc aime à confondre – et parfois inverser – les éléments. Une caravane minuscule, frôlant les pyramides de Ghizeh par une nuit de pleine lune, s’avance, comme hors du temps, et semble avoir été fixée par un voyageur au tout début de la photographie. L’artiste fixe la beauté du monde, tel un peintre attaché à rendre un détail, une nuance particulière. Il donne une patine, une chair aux images, jouant sur toutes les nuances du gris, du blanc le plus pur au noir le plus profond. Toujours présente, discrète, concentrée, la figure humaine traverse l’œuvre de Patrick Alphonse. Un enfant accroupi sur des marches qui semblent rejoindre le ciel, une vieille femme recroquevillée qui se prépare à mourir, sur le bord du fleuve, à Bénarès, tandis qu’un vautour aux ailes déployées se dédouble dans le miroir liquide, un homme plongé dans sa prière, à Djenné, au Mali, un autre dans une rizière, à Bali, une main ridée qui s’élève dans un nuage de fumée, le dialogue de deux statues sans tête dans un jardin désert, quand les sculptures prennent vie tandis que les corps s’immobilisent dans un geste ou une prière. Silhouettes perdues dans l’immensité, comme ces personnages minuscules, à peine esquissés, qui rappellent l’échelle humaine dans la peinture chinoise classique. Un cercle dans l’eau, un pan de lumière créent un espace où méditer, visage et livre flottent dans l’obscurité. Le silence est accentué par le clair-obscur, clin d’œil à Caravage ou à Georges de la Tour, tandis qu’un papillon suspendu à une feuille minuscule, qui se détache sur le fond blanc tel un dessin à l’encre de Chine sur du papier de soie, évoque Hokusaï. Art presque minimaliste qui contraste avec les paysages sombres aux ciels romantiques souvent fixés sur la pellicule par un photographe qui saisit tour à tour la légèreté du monde et son intensité. Les peintres des siècles passés hantent les photographies de Patrick Alphonse, tout comme la sculpture : ces corps enlacés sont-ils de chair ou de marbre ? Le visiteur hésite, se perd dans les reflets de l’eau comme dessinés à l’encre, calligraphie indéchiffrable, dans un jeu de cache-cache avec le visible. La matière se transforme, des métamorphoses s’opèrent : un homme dans une rizière en flammes devient un dieu porté par un nuage, blancheur vaporeuse s’élevant au-dessus de la densité du noir. Vision mélancolique d’un monde qui s’éteint, images intemporelles que le photographe, avec une infinie délicatesse, magnifie par son regard. Anguéliki Garidis © Patrick Alphonse héliogravure sur washi © Patrick Alphonse héliogravure sur washi © Patrick Alphonse héliogravure sur washi © Patrick Alphonse héliogravure sur washi © Patrick Alphonse héliogravure sur washi © Patrick Alphonse héliogravure sur washi © Patrick Alphonse héliogravure sur washi © Patrick Alphonse héliogravure sur washi Autre article avec des photographies :
Patrick Alphonse, photographe voyageur. Photographies extraites de la série Le chant de la mélancolie. Du 16 juillet au 28 septembre 2013 (fermeture en août) A la Galerie François Mansart 5, rue Payenne - 75003 Paris horaires : mardi à dimanche de 14h à 19h Site : http://www.focus-5.fr/ |