Exposition du 3 mars au 1er avril 2001
à l'Espace Louise Michel
42 ter, rue des Cascades, 75020 Paris - Tél : 01 47 97
44 57 - M° Jourdain
ou Pyrénées.
Ouvert les mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 14 h à
18 h.
Paul-Antoine Pichard
Mine d'Ordures
Dakar. Au bout de la rue, la misère. Au bout de la
misère, les enfants. Le crépuscule tire à
sa
fin, la ville se désemplit. Aux différents carrefours
de la capitale sénégalaise, des gosses qui
mendient, le visage vitreux, l'haleine empestant le diluant cellulosique,
vous tendent la main. S'ils se mettent à parler, cela
devient monosyllabique, ils s'emballent sous l'effet des solvants.
C'est triste, c'est malheureux, c'est le lot de beaucoup de villes
du Tiers-Monde.
Ces enfants de la crise ont chacun leur histoire. Certains fuient
la rue et se réfugient alors sur la grande décharge
de M'beubeus, décharge publique de la banlieue Dakaroise,
sorte de "smoking mountain" philippin à la sénégalaise.
Le sort d'un enfant est lié, parfois, au hasard d'une
petite trouvaille, d'un objet précieux ou non, pourvu
qu'il soit convoité par un adulte.
Dix heures du matin: le ballet incessant des camions à
ordures se poursuit, comme chaque jour
dans un tourbillon de poussière. Une odeur pestilentielle
flotte dans les airs. Une nuée d'enfants s'agrippe aux
flancs des bennes. Soudain, le chauffeur d'un poids lourd freine
brusquement, ouvre sa portière et se met à courir
derrière une bande de gosses, puis se remet au volant.
Nullement découragés, les enfants continuent inlassablement
leur course derrière les
mastodontes jusqu'à leur point de décharge. Dès
que le chauffeur débute sa manoeuvre,
surgissent, des tas d'immondices, des hommes et des femmes de
tous âges qui se précipitent,
armés de crochets en fer, sur les déchets que le
camion vient de déverser.
Les baskettes noircies par la saleté, un gamin s'acharne
avec une énergie insoupçonnée sur les
amas d'ordures. D'une démarche claudiquante parce qu'
atteint de poliomyélite, il a une
douzaine d'années et fait partie de ces jeunes enfants
qui vivent en permanence sur la décharge.
Parfois avec leurs parents, souvent sans tutelle, ils sont une
centaine. On les appelle les enfants
récupérateurs. Ils fouillent les déchets
et essayent d'y trouver des objets recyclables qu'ils
revendent aux grossistes installés dans le bidonville,
au pied de la décharge.
Chaque mois, la décharge reçoit plus de cent mille
mètres cubes de déchets de toutes sortes,
c'est un océan d' immondices qui s'étale à
perte de vue. En dehors des accidents de circulation,
ces enfants récupérateurs s'exposent tout au long
de leur exécrable activité à une kyrielle
de
microbes: le tétanos, la tuberculose, la typhoïde,
le choléra sont monnaie courante.
Qui dit argent dit nécessairement conflit d'intérêts;
les rapports sont très hiérarchisés, à
chacun
son territoire, mais la solidarité prévaut. Il
y a un patriarche, chef du village qui diligente tout et
qui est l'interlocuteur direct des autorités. Il résout
avec tact les conflits qui ne manquent pas de
surgir.
Organisés depuis peu en association, des habitants de
M'beubeus ont créé une petite école
d'alphabétisation pour les enfants récupérateurs
un dispensaire et une équipe de football, passage obligé
pour une reconnaissance sociale à part entière.
L'association "Le Troisième Oeil", collecte
en partenariat avec le dispensaire et l'association des
recycleurs de M1beubeus 3Bok Jom2, du matériel scolaire,
médical ainsi que des vêtements (bottes et gants
en caoutchouc, masques et lunettes de protection, équipement
de football ... )
Paul-Antoine Pichard
Le Troisième Oeil
3, forum des Touleuses, 95000 Cergy.
letroisiemeoeil@wanadoo.fr
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