Kostas Tsoklis
Une rétrospective de Kostas Tsoklis,
artiste multimédia, est présentée actuellement
au Musée National d'Art Contemporain à Athènes.
Elle offre un aperçu de son oeuvre, qui passe de la peinture
figurative à la peinture abstraite, avant de revenir à
la figuration, à travers des jeux de trompe-l'oeil où
l'artiste mêle des objets à la peinture. Trompe-l'oeil
trompeurs où la perspective est donnée par des
échelles ou des tables réelles, des chaises toutes
matérielles, de gros galets posés devant une mer
peinte...
Table de billard.
Ce sont cependant ses oeuvres plus résentes,
installations video complexes, qui m'ont le plus impressionnée,
chargées d'une émotion présente dans les
tableaux à l'expressionnisme abstrait du début,
mais qui semblerait s'être un peu perdue par la suite.
Installations symboliques, engagées, comme ce serpent
de métal couché sur le sol qu'un Saint Georges
aux traits estompés transperce d'une lance qui fait le
lien entre la toile et le dragon. Les yeux du monstre sont deux
écrans sur lesquels sont projetés sur l'un les
fléaux naturels (inondations, séismes...), sur
l'autre la violence humaine (extraits de documents provenant
de nombreux pays. ("Saint Georges", installation, 1990)
Saint Georges, Installation, 1990
Dans une autre installation video, des blocs de pierre, des fragments
de sculptures introduisent le visiteur dans l'univers d'un mystère
antique où une Artémis spectrale apparaît
et disparait peu à peu dans un flamboiement de couleurs
("Artemis", installation et video, 1997)
Dans une installation plus récente,
qui unit encore le mythe et le réel, des "anges du
futur" (installation et video, 2001, 17 mn) égarés,
émergent des ordures. Clin d'oeil pasolinien, peut-être,
rappelant le court-métrage "Che cosa sono le nuvole?"
("Qu'est-ce que les nuages?", 1968) dans lequel Toto'
et Ninetto - Iago et Othello - marionnettes tuées par
un public furieux, sont jetés aux ordures par un éboueur
et, "retrouvant" leur forme humaine, contemplent les
nuages. Les anges de Tsoclis pourraient aussi évoquer,
mais d'une manière moins désespérée,
ceux de Rafael Alberti, anges morts que le poète nous
invite à rechercher dans "l'insomnie des canalisations
oubliées, dans les canaux interrompus par le silence des
ordures" ("Los angeles muertos" in De los angeles,
1928).
Dans l'installation de Tsoclis, le visiteur,
envahi par les bruits de la décharge, mêlé
aux ordures qui jonchent le sol et qui se confondent avec celles
de la video, paraît aller à la rencontre de ces
hommes et de ces femmes qui surgissent, tout étonnés
d'arriver au monde, entrainés vers le haut dans un élan
qu'ils ne contrôlent pas. Multitude d'anges du quotidien
qui apparaissent en surimpression, émanations des ordures,
âmes échappées de la terre : doubles évanescents,
miroirs de notre condition.
Anguéliki Garidis
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