Cai Guo-Qiang, Une histoire
arbitraire
L' exposition "An Arbitrary History" (une histoire
arbitraire) de Cai Guo-Qiang au Musée d'Art Contemporain
de Lyon fait suite à trois expositions de l'artiste organisées
en Europe depuis 1997 et qui toutes montraient un aspect particulier
de cette oeuvre protéiforme.
La présente exposition qui occupe une surface de plus
de 1 600 m2 sur deux niveaux fait l'objet de plusieurs créations
autour desquelles sont rassemblées une sélection
d' oeuvres
emblématiques de la production de l'artiste depuis qu'il
a quitté la Chine.
Rivière de bambou
Un étage est consacré à la présentation
d'une sélection d' oeuvres appartenant aux collections
publiques et privées parmi les plus prestigieuses d'Europe,
d'Asie et d'Amérique qui toutes ont la particularité,
outre d' être suspendues au plafond, d' être incluses
dans un dispositif qui consiste à les découvrir
en barque (bambou et peau de yak) sur une rivière réalisée
en bambou tressé et résine époxy, laquelle
serpente telle un dragon traditionnel (symbole de bonheur) sur
l'ensemble de la surface d'exposition.Ce moyen traditionnel de
locomotion sur le Yang Tsé Kiang permet ainsi au visiteur
au détour des méandres d'approcher les qualités
transculturelles de l'oeuvre.
"Mes oeuvres s1appuient sur le mysticisme, le taoïsme,
la cosmologie orientale, la géomancie, elles soulèvent
sans cesse de nouvelles questions."
L'oeuvre de Cai Guo-Qiang est souvent participative et exige
le concours du public. Ce dernier agit comme un transmetteur
d'énergie entre des éléments qui à
nous occidentaux semblent apparemment opposés.
"Quand je travaille, j'ai toujours l'impression d'être
pris entre deux feux, entre la culture chinoise et la culture
occidentale... Les artistes occidentaux vivent aussi un dilemme
qui ressemble à ce que je connais : ils doivent trouver
cet équilibre entre formalisme,
conceptualisme et humanisme qui traverse toute leur histoire
de l1art moderne. Quand l'humanisme et l'idéalisme occupent
une trop grande place, ou quand la question sociale est au centre
du propos, l'oeuvre d'art perd sa forme sublime, elle ne satisfait
plus le pur désir esthétique."
L' oeuvre de Cai Guo-Qiang oscille sans cesse entre ordre et
chaos, début et fin, hasard et nécessité,
macrocosme et microcosme.
Elle est perçue dans un continuum espace-temps qui unifie
les opposés, la pharmacopée traditionnelle, et
la destruction par explosion, l'eau et l'air, le voyage et l'immobilisme
etc.
Grand huit
Un second étage est réservé à une
création in situ. Cette oeuvre de plus de 500m2 expose
le regard tout particulier de l'artiste face à l'art européen
et particulièrement français. Cai Guo-Qiang réalise
en effet un simulacre de plafond baroque. Tout en reprenant la
structure de ces plafonds, il introduit en lieux et places des
caissons, frises oculus et mandorles des fragments d'uvres d'artistes
français du XXe siècle. Ainsi, "Le saut dans
le vide" d'Yves Klein, "Les matériologies"
de Jean Dubuffet, "Les bandes" de Daniel Buren et bien
d'autres éléments d'uvres entourent la pièce
emblématique de Marcel Duchamp : "Le nu descendant
l'escalier".
Le visiteur parcourt cette création dans un wagonnet comme
dans un "grand huit", s'éloignant ou se rapprochant
sans cesse de ce ciel historicisé inaccessible au-dessus
de lui.
Cai Guo-Qiang revendique en effet une perception de l'espace
et du temps toute particulière, qu'il qualifie de chinoise
et qu'il s'amuse à opposer à la nôtre occidentale,
afin de nous la faire partager.
Cette vision vient du ciel en direction de la terre et non l'inverse.
Par conséquent l'artiste insiste sur le gigantisme de
l'univers par opposition à la petitesse de l'homme sur
terre, ce qui le conduit fort justement à éloigner
toutes les oeuvres (et tous les éléments visuels
s'y réfèrant) du sol pour les fixer au plafond.
Vision de la philosophie orientale qu'il oppose à la raison
cartésienne. Empruntant aux deux cultures, l'artiste montre
qu'il n'est rien qui puisse faire obstacle à un dialogue
entre ces deux mondes si souvent opposés.
Quelques pistes pour approcher son oeuvre
En 2000 dans l'excellente interview menée par Fei Dawei,
dans le catalogue de la Fondation Cartier, Cai Guo-Qiang disait
à propos de la création en occident " j' ai
osé prendre la cosmologie orientale comme point de départ.
J'ai utilisé comme matériaux des produits issus
de ma propre culture et j'ai osé voir grand, m' affirmer
et m'opposer aux mythes
merveilleux de l'occident ".
Aujourd'hui il agit toujours de la même manière
et intègre de plus en plus souvent des matériaux
traditionnels de l'occident. " Il se peut qu1entre les cultures
naissent une situation nouvelle et c1est tout. [...] J'ai fait
du système occidental et de la "scène"
occidentale ma propre "scène", donc je fais
en sorte de répondre à ces questions. [...] Comme
l'occidental devant l'art oriental,
l'oriental découvrant l'art occidental le trouve exotique.
La découverte de Picasso est une expérience Bizarre".
Par ailleurs, toujours à propos de cette limite entre
occident et culture chinoise, il souligne non sans humour : "ces
entraves (les modèles occidentaux) existent indéniablement.
Mais nous avons aussi reçu une éducation occidentale
; le marxisme par exemple est
un concept occidental".
"Je me suis intéressé à la culture
chinoise ancestrale parce qu'elle a su bâtir un système
urbain et un système médical complets, depuis la
construction d'une tombe jusqu'à celle d'une ville, depuis
l'examen médical de la langue jusqu1à l'observation
du pouls. Elle a démontré l'utilité d'une
prescription médicale, de l'acupuncture. Elle a été
capable de concevoir des villes. La géomancie chinoise
attache une grande importance au choix du moment et du site propices.
C1est une conception spatio-temporelle totale. Mais toute la
question est de savoir comment
m1approprier ce modèle traditionnel et comment l'associer
à ma propre conception du monde. Ni les formes ni les
concepts de l1art ne peuvent être éternellement
enfermés dans un modèle. Faire de petites réformes
n'est pas très intéressant, il faut des changements
fondamentaux. C1est la différence entre l'art et l'artisanat."
"En Chine, j'étais dans la clandestinité.
Au Japon, j'ai fait la guérilla.
Aujourd1hui, je vais me lancer dans une guerre régulière
parce qu1aux Etats-Unis, il faut apprendre à combattre
de façon régulière."
« Je ne peux pas dire que mon travail s'inscrit complétement
dans la culture occidentale. Mais si les occidentaux viennent
me chercher pour travailler avec eux, c'est qu'un lien existe
entre mon travail et les questions qu'ils se posent et ce lien
n'a rien avoir avec ma nationalité. Je ne peux donc pas
nier que nos chemins se croisent. Pour le moment, je fais de
la culture occidentale une «culture objective» et
je vais et je viens entre les deux cultures. »
« A l'époque où je vivais au Japon, beaucoup
de Japonais considéraient la Chine comme leur modèle
culturel. On racontait que les Japonais n'osaient pas dormir
les pieds tournés vers la Chine parce que c'était
la terre de leurs maîtres et de leurs saints. Les Américains
au contraire ne se préoccupent que d'eux-mêmes.
»
« En général, il faut un certain temps
pour s'adapter à ce qui vient de l'étranger. Au
début une |uvre peut paraître exotique, puis elle
finit par toucher le public. Nous ne devons donc pas craindre
d'utiliser notre culture. La question essentielle est de savoir
comment bien l'utiliser pour susciter la sympathie et exercer
une influence. Sinon l'exotisme ne trouve de place que dans les
musées folkloriques. »
« Les Japonais veulent que je participe à la
Triennale de Yokohama. Ils ont été stupéfaits
quand je leur ai proposé de concevoir un musée
d'art contemporain. [...] Je me contenterai de fournir un musée
pour que d'autres artistes exposent. Quand il y aura des expositions,
je serai le curator, je serai même le directeur perpétuel
du musée. Chaque fois que je viendrai, il faudra payer
mes frais.
J'aurai des recettes éternelles. J'ai plusieurs projets
de ce genre. Parce qu'ils sortent un peu de l'ordinaire et qu'ils
sont assez bêtes. C'est pour ça que j'ai envie de
les réaliser. »
« Départ de feux », Éric Mézil
- Beaux Arts Magazine, janvier 2000
Ses recherches géo-politiques ou historiques, doublées
de regards croisés entre Occident et Orient, font de lui
un artiste à part. À mille lieues de notre manichéisme,
il parvient à synthétiser un héritage prônant
la transcendance de l'homme dans sa relation au temps, à
la terre et au ciel.
Expositions personnelles
2001 Performing Chinese Ink Painting. Contemporary Art Gallery,
Vancouver, Canada
Impressionistic Drawings. Charles H. Scott Gallery,
Vancouver, Canada
2000 Ascending a Staircase. 69th Regiment Armory, New York,
USA
Project for Projects. Fondation Cartier pour l'art
Contemporain, Paris, France
1999 I Am the Y2K Bug, Kunsthalle Wien, Vienne, Autriche
1998 No Construction, No Destruction. Bombing the Taiwan Museum
of Art, Taiwan Museum of Art, Taichung, Taiwan
Daydreaming, Cheung Piin Gallery, Taipei, Taiwan
1997 Cultural Melting Bath: Projects for the 20th Century,
Queens Museum of Art, New York, USA
Flying Dragon in the Heavens, Louisiana Museum of
Modern Art, Humblebaek, Danemark
Cai Guo-Qiang, Mao, 1997
Flying Dragon in the Heavens, 1997
© Jens Frederiksen
1996 The Century with Mushroom Clouds - Projects for the 20th
Century, Nevada, Nuclear Test Site, Salt Lake, New York, USA
1994 Chaos, Setagaya Art Museum, Tokyo, Japon (cat.)
Concerning Flame, Tokyo Gallery, Tokyo, Japon
The Horizon from the Pan-Pacific, Iwaki, Fukushima,
Japon
From the Pan-Pacific, Iwaki City Art Museum, Fukushima,
Japon
Calendar of Life, Gallery APA, Nagoya, Japon
1993 Project to Extend the Great Wall of China by 10 000 Meters,
Jiayuguan City, China
Long Mai (The Dragon Meridian), P3 art and environment,
Tokyo, Japon
1992 Wailing WallFrom the Engine of Four Hundred Cars, IBM
Kawasaki City Galley, Kawasaki, Japon
1991 Primeval Fireball: The Project for Projects, P3 art and
environment, Tokyo, Japon
1990 Works 1988/89, Osaka Contemporary Art Center, Osaka, Japon
Cai Guo-Qiang, Wailing Wall, from Engines of 400 Cars,
1992
© Cai Guo-Qiang
Sélection d'expositions de groupe
2001 Valencia de Biennale, Valencia, Spain
Project Refreshing, 49th Venice Biennale, Venice,
Italie
Locus/Focus, Sonsbeek 9, Arnhem, Pays-Bas
Gift, Palazzo Papesse, Siena, Italie
Visual environment for /Asunder, Yin Mei Dance, Danspace,
St. Mark1s Church, New York, USA
Shanghai Spirit, Shanghai Biennial, Shanghai
Museum of Art, Chine
Open EndÐMoMA 2000, Museum of Modern Art, New
York, USA
media-city-seoul, Seoul Metropolitan Museum, Seoul,
Corée
Echigo-Tasumari Art Triennial, Niigata, Japon
The Quite in the Land, Museu de Arte Moderna da Bahia,
Salvador, Brésil
Sharing Exoticism, 5th Lyon Biennale of Contemporary
Art, Lyon, France
Art/Unlimited/Basel/2000, Art/31/Basel, Basel, Suisse
The Act of Resistance, Koldo Mitxelena Kulturunea, Donostia-San
Sabastian, Espagne
Biennale of Sydney 2000, Art Gallery of New South Wales,
Sydney, Australie
Over the Edges, SMAK, Gent, Belgique
2000 Biennial Exhibition, Whitney Museum of American Art,
New York, USA
Outbound, Houston Contemporary Arts Museum, Houston,
USA
Wall, National Museum of History, Taiwan
Gratitude, Taiwan Museum of Art, Taiwan
1999 Art-Worlds in Dialogue, Museum Ludwig, Cologne, Allemagne
Zeitwenden, Kunstmuseum Bonn, Bonn, Allemagne
Kunstwegen, Stadtische Galerie Nordhorn, Nordhorn, Allemagne
Beyond The Future, The Third Asia-Pacific Triennial
of Contemporary Art, Brisbane, Australie
Aperto over All, 48th Venice Biennial, Italie
Hiriya in the Museum : Artists and Architects
Proposals for Rehabilitation of the Site, Tel Aviv Museum
of Art, Israël
International Currents in Contemporary Art, Guggenheim
Museum Bilbao, Espagne
Looking for a Place, The Third International Biennial,
SITE Santa Fe, USA
Opening S.M.A.K, Museum of Contemporary Art, Gent, Belgique
Panorama 2000, Centraal Museum Utrecht, Pays-Bas
1998 Remanence, Melbourne Festival, Melbourne, Australie
Issey Miyake Making Things, Fondation Cartier pour l'art
contemporain, Paris, France ; ACE Gallery, New York, USA (1999)
Museum of Contemporary Art Tokyo, Japon (2000) Crossings,
National Gallery of Canada, Ottawa, Canada
Inside Out : New Chinese Art, P.S.1
Contemporary Art Center, New York, USA; San Francisco Museum
of Modern Art & Asian Art Museum of San Francisco, San Francisco,
USA (1999); MARCO, Monterey, Mexique (1999); Tacoma Art Museum
and Henry Art Gallery, Seattle, USA (1999)
Global Vision : New Art from the 90's part II, Deste Foundation,
Athenes, Grèce
Taipei Biennial "Site of Desire", Taipei Fine Arts
Museum, Taipei, Taiwan
Where Heaven and Earth Meet, Art Museum of the Center for Curatorial
Studies, Bard College, NY, USA
La Ville, le Jardin, la memoire: 1998, 2000, 1999, Academie
de France à Rome, Rome, Italie (1999, 2000)
Wounds : Between Democracy and Redemption in Contemporary
Art, Moderna Museet, Stockholm, Suède
1997 Cities on the Move, Secession, Vienne, Autriche ; Museum
of Contemporary Art Bordeaux, Bordeaux, France;
P.S.1, New York, USA (1998); Louisiana Museum of Modern
Art, Humblebaek, Danemark (1999), Hayward Gallery
Londres, UK (1999) ; Kiasma Museum of Contemporary Art,
Helsinki, Finlande (1999)
On Life, Beauty, Translation, and Other Difficulties,
5th International Istanbul Biennial, Turquie
Future, Past, Present, 47th Venice Biennial, Italie
Performance Anxiety, Museum of Contemporary Art, Chicago, USA;
Museum of Contemporary Art, San Diego, U.S.A.;
SITE, Santa Fe, USA Promenade in Asia II, Shiseido Gallery,
Tokyo, Japon
1996 The Hugo Boss Prize 1996, Guggenheim Museum Soho, New
York, USA
The Red Gate, Museum van Hedendaagse kunst, Gand, Belgique
Origins and Myths of Fire - New Art from Japan, China and Korea,
The Museum of Modern Art, Saitama, Japon
Universalis, 23rd International Biennial of Sao Paulo, Brésil
Asian-Pacific Triennial of Contemporary Art, Queensland Art
Gallery, Australie
Between Heavens and Earth - Aspects of Contemporary Japanese
Art II, Nagoya City Art Museum, Japon ;
Tamayo Museum, Mexico City, Mexique
In the Ruins of Twentieth Century, The Institute for Contemporary
Art, P.S.1 Museum, New York, USA
1995 Contemplation, The Ho-Am Museum, Seoul, Corée
Ripple Across the Water, Watarium Museum of Contemporary Art,
Tokyo, Japon
Transculture, 46th Venice Biennial, Venice, Italie
Art in Japan Today 1985-1995, Museum of Contemporary Art, Tokyo,
Japon
The 1st Johannesburg Biennial, Johannesburg, Afrique du Sud
The 51st Scripps Ceramics Annual, Ruth Handler Williamson Gallery,
Scripps College, USA
1994 Heart of Darkness, Rijksmuseum Kruller-Muller, Otterlo,
Pays-Bas
Creativity in Asian Art Now, Hiroshima City Museum, Hiroshima,
Japon
Well Spring, Bath Festival Exhibition, Bath, UK
Open System, Contemporary Art Gallery, Art Tower Mito, Ibaragi,
Japon
Making New Kyoto '94, Kyoto, Japon
Promenade in Asia, Shiseido Gallery, Tokyo, Japon
1993 Silent Energy, Museum of Modern Art, Oxford, UK
Outdoor Workshop 93, The Shigaraki Ceramic Cultural Park, Shigaraki,
Japon
1992 Encountering the Others, The Kassel International Art
Exhibition, Hann. Munden, Allemagne
Das Kunstwerk in Zeitaleer Seiner
Telekommunizerbarkeit, Vienne, Autriche
Looking for Tree of Life, the Museum of Modern art, Saitama,
Japon
1991 Exceptional Passages, Museum City Project, Fukuoka, Japon
1990 The 7th Japon Ushimado International Art Festival, Okayama,
Japon
Chine Demain pour hier, Pourrieres, France
Museum City Tenjin 90, Fukuoka, Japon
1989 '89 Tama River Fussa Art Exhibition, Tokyo, Japon
1985 The Shanghai and Fujian Youth Modern Art Joint Exhibition,
Fuzhou City Museum, Fujian, Chine
Wuyi-Shan Open Air Exhibition, Fujian, Chine
« Oser ne rien réussir », entretien avec Cai
Guo-Qiang,
Fei Dawei, New York, 21 mai 1999
Catalogue
L'exposition de Cai Guo-Qiang est accompagnée d'un catalogue
bilingue, édité en cours d'exposition et comportant
des reproductions de toutes les oeuvres in situ. Essais de Fei
Dawei, Fumio Nanjo et François Julien.
Commissaire général : Thierry Raspail
Commissaire de l'exposition : Thierry Prat
Assistante d'exposition : Nathalie Janin
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