Pascal Broccolichi
Pascal Broccolichi crée pour la Galerie des
Grands Bains Douches de la
Plaine une installation sonore, présentée du 10
novembre au 16 décembre
2000.
Le dessin et le son constituent l'ensemble des points de marquage
de
l'installation. Ils s1habillent les uns sur les autres par leur
fonction de
délimitation. mais encore par leurs caractéristiques
ornementales. Chaque
environnement gigogne se substitue à celui qui l'entoure.
Le dessin est construit avec des tas de poudre noire de forme
conique, d'une
hauteur de 15 centimètres placés de manière
régulière en quinconce. Ils
reproduisent la géométrie alvéolaire des
matériaux de mousse qui servent
habituellement à absorber les sons sur les murs des auditoriums.
Ce moyen
d'occupation du lieu réserve à l'espace et à
la "mise en scène", un
caractère de retrait apparent, quelque chose qui s'interdit
d'emblée au
spectateur. Les éléments sonores et visuels associés
s'enchaînent dans une
logique de dégagement et d'absorption.
Ce sont de véritables filtres; ils n'ont de durée
de vie que le temps de
l'évènement et de lieu que celui qui figure le
cadre de cet isolement.
Le son dans cette installation pourrait bien jouer le rôle
de
l'accompagnement, mimer les comportements de la musique d'ambiance,
la
rumeur que l'on entend tout juste.
Dans la plupart de ses pièces sonores sont mises en place
des règles de
permutation et d1addition analogique, des juxtapositions d'idées
arbitraires
qui s'associent pour leurs qualités matériaulogiques
plus que leur
orientation sémantique. L'idée de stabilité
est toujours contredite par un
ensemble d'organisations paradoxales. L'effet naît généralement
du constat
ultérieur de l'invraisemblance et du leurre. Chaque motif
entendu est lié à
un autre, non pas selon un schéma d1amoncellement mais
dans une vision
globale.
La dimension narrative n'est pas recherchée, elle se pose
presque
automatiquement avec l'ensemble des composantes de l'installation.
Au mieux
elle opère des transcriptions figuratives très
concises de certaines formes
ou de certains processus en soulignant des procédés
de transformation et de
contradiction.
Pascal Broccolichi
Né en 1967 à Antibes vit et travaille à
Nice.
Coorganisateur de LA STATION, Nice, de 1996 à 1999.
Expositions personnelles
1995 Galerie de l'Ecole, Villa Arson, Nice
Résidence Pollen, Montflanquin
Galerie la Tête d'Obsidienne, Fort Napoléon, la
Seyne-sur-Mer
1997 Espace Mariani Art contemporain, Solre-le-Château
1998 Raccorama, La Box, Bourges
2000 Galerie des Grands Bains-Douches, Marseille
Expositions collectives récentes
1999 Ainsi de suite 3, C-R-A-C, Sète
Juke-Box Collage (diffusion sonore), Musiques en scène
musée d1art
contemporain, Lyon
Archisx & Bdybldng, Résidence De Fabriek, Eindhoven,
Hollande
Lascaux 2 (cyber-installation), Villa Arson, Nice
Incubus family, Genève, Suisse
Officina Europa, Bologne, Italie
Un monde irréel, galerie Thaddaeus Ropac, Paris
2000 Pause (diffusions sonores), galerie Aline Vidal, Paris
Juke-Box 2.1 Collage (diffusion sonore), galerie commune, Tourcoing
Pas à côté juste en-dessous (exposition en
appartement), South Art, Nice
Main basse, MAMAC, La Station, Nice
Objekt : Projekt, Frauenfeld, Suisse
Articles récents
Lascaux 2, Annick Rivoire, Libération, 25 juin 1999
Un monde irréel, Henri-F Debailleux, Libération,
7 janvier 2000
De la Grotesque,Thierry Davila, Art Press, janvier 2000
Jean Rouzaud, Nova magazine, février 20
DEPROGRAMMATION ET EVENEMENT
"Le jardin aux sentiers qui bifurquent" de Pascal
Broccolichi
Propos recueillis par Colette TRON
- Quels types de sons sont à l'origine de ce qu'on
entend dans
l'installation ?
- J'utilise toutes sortes de sons. Je n'ai pas de sons de prédilection
et
tout est possible. Généralement, ils sont prélevés
dans la nature, dans des
environnements urbains, dans le cinéma, la musique, ou
à partir des
comportements humains.
Ma préoccupation n'est pas d'ordre musical, mais plutôt
liée à la mécanique
des sons. Leur utilisation n'est ni narrative ni figurative.
Elle constitue
un prétexte à la mise en place d'une situation
d'écoute et de lecture : je
récupère la trame des sons prélevés,
j'en garde ce qui est de l'ordre de
l'indicible. Ainsi arrachés à leur contexte initial,
ils deviennent neutres,
purs, et se situent dans un non-lieu, et un non-état.
C'est ce non-état qui
est le moment propice à l'apparition d'une nouvelle situation.
Situation que
je vais maîtriser, mais de façon incomplète,
parce qu'il y a toujours des
événements sonores qui m'échappent.
- Y a-t-il des effets à produire et des transfigurations
désirés au
préalable ?
- Le shéma de base est celui d1une organisation elliptique
où chaque
événement sonore est généré
par tout ce qui s1est passé avant et préfigure
tout ce qui va se passer après. Ce lien, qui est aussi
un rebondissement,
est le lieu de concentration et de vigilance de tous les instants.
J'ai besoin d'alterner inlassablement entre une situation dans
laquelle des
histoires pourraient se raconter et des structures qui sont là
seulement
pour créer une trame évolutive. D'ailleurs, le
terme de trame renvoie
immédiatement à la forme du dessin qui est au sol,
puisque son organisation
dans l'espace va obligatoirement préparer autre chose,
qui peut être simple
ou complexe selon les pièces.
Les installations sont faites de telle façon, et les pièces
sonores sont
suffisamment longues pour que le spectateur- auditeur n'ait pas
accès à la
totalité de l'oeuvre dès
sa première déambulation. Il est donc poussé
à y revenir.
Je crée aussi très souvent des processus d1illusion,
produits soit par le
dispositif mis en place, soit par la transfiguration des sons,
et qui
provoquent des bouleversements de la perception. Le dessin au
sol est bien
sûr partie prenante de ces processus puisqu1il induit une
autre lecture du
sens, en s1inscrivant comme un miroir visuel des sons (par exemple
la
similitude du grain de la poudre utilisée et celui de
certains sons), ou
comme une contradiction du rapport à l1espace et au temps
créé par la partie
sonore. Le dessin peut également avoir un statut de paysage.
Cela constitue
un jeu dialectique, et plus il y a d1écart entre le visuel
et le sonore,
plus le risque que les effets ne se produisent pas est grand.
Mais les contrastes donnent de plus amples possibilités,
et il y aura de
toute façon un événement.
Ce qui m'intéresse le plus dans l'événement
sonore est ce qui aurait pu se
passer, qu'on a attendu, et dont le chemin s1est détourné
ou arrêté. Ce sont
des élément muables et ce sont des éléments
inexplicables. La meilleure
façon que j'ai trouvé de les mettre en situation
est de les tenir face à
d'autres éléments très explicites ou redondants,
et révélateurs de cette
part indicible.
- Il s'agit donc d'une déprogrammation, puis d'un guidage.
- Je déprogramme, je guide et j'interdis. Cependant, je
donne une grande
part de responsabilité au spectateur-auditeur car je lui
confie mon oeuvre.
S'il ne suit pas les chemins que j'ai tracés, il est possible
qu'il la
détruise.
Et c'est cette fragilité avouée qui fait barrière.
Alors l'acte advient ou
n'advient pas.
De la même façon, je m'attache à ce que mes
pièces sonores ne laissent pas
la place à l'avènement d'une situation narrative
ou musicale.
- C'est une oeuvre où la circularité est une
figure constante, tant
spacialement que temporellement.
- La forme circulaire n'a pas de géométrie propre,
et représente plusieurs
géométries à la fois. Elle peut être
considérée comme une courbe, une ligne
droite... Elle laisse donc une liberté d'application totale
: elle peut
s'organiser avec tous les événements. C'est pour
moi la figure idéale.
*Titre emprunté à la nouvelle philosophique
de Jorge-Luis Borges
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