"Les chemins de l'art brut" au Musée d'art moderne Lille Métropole à Villeneuve d'Ascq
Lorsque l'on essaye de s'aventurer sur "les chemins de l'art brut", la première impression est celle d'une grande diversité. Les six artistes - auteurs ou "oeuvriers", selon les différentes terminologies consacrées aux créateurs d'art brut - exposés au Musée d'art moderne Lille Métropole évoquent chacun des approches créatrices très différentes au premier abord, qui entrent cependant dans le domaine de ce que l'on nomme "l'art brut". Depuis la définition qu'en a donné Jean Dubuffet,
inventeur de cette notion et fervent collectionneur, le champ
de l'art brut s'est élargi. Les oeuvres exposées au musée sont assez fidèles à la définition première de l'art brut, réalisées par des créateurs exclus de la société ou travaillant en dehors des circuits habituels, des malades mentaux, des médiums... Theo Wiesen, avec ses "totems", ouvre le
chemin de l'exposition. Né en 1906, d'origine belge, Wiesen
travaille comme menuisier et devient propriétaire d'une
scierie. Lorsqu'il prend sa retraite, son travail du bois prend
une autre direction et devient artistique. Réaménageant
le site, il crée un lieu féérique, comme
issu d'un conte de féées. Photographies de l'ancien site de Théo WIESEN, à Grunfflingen (B), n.d. Théo WIESEN sans titre (lapin), avant 1987, Bois sculpté 174 x 44,5 x 14 cm, Inv : A.996.21.2 Donation L'Aracine, Musée d'art moderne de Lille Métropole, Villeneuve d'Ascq Crédit photo : Philip BERNARD André Robillard, né en 1932, crée, lui, des animaux - sculptures ou dessins - et des séries fusils colorés fabriqués avec des objets en apparence hétéroclites. Ses fusils, construits au départ avec une intention fonctionnelle, sont devenus peu à peu des objets ludiques. André ROBILLARD sans titre (fusil, USA) ,n.d. Technique mixte (bois, métal, boîtes de conserve, plastique, cartouches de fusil) 29 x 161 x 16 cm, Inv. : A.996.17.1 Donation L'Aracine, Musée d'art moderne de Lille Métropole, Villeneuve d'Ascq Crédit photo : Philip BERNARD droits réservés Victor Simon (1903-1976) entre dans la catégorie
des mediums, des spirites, comme Augustin Lesage et Fleury Joseph
Crépin. Ses toiles, consacrées à l'"enseignement"
d'une sorte de syncrétisme religieux, étaient accompagnées
de livres et d'une revue : Forces spirituelles. Victor SIMON sans titre, 1935, Huile sur toile, 109 X 159,5 cm (encadré) Musée d'Ethnologie Régionale de Béthune en dépôt au Musée d'art moderne de Lille Métropole Crédit photo : J. HOEPFFNER Hélène Reimann et Judith Scott font partie des
créateurs "malades mentaux". Hélène REIMANN sans titre (chaussures), n.d. Crayon noir sur papier, 16,4 x 26,5 cm Inv : A.996.120.23 (1), Recto Donation L'Aracine, Musée d'art moderne de Lille Métropole, Villeneuve d'Ascq Crédit photo : Alain LAURAS, La Cité Numérique Musée d'art moderne de Lille Métropole Hélène REIMANN sans titre (piano), n.d., Crayon noir sur papier 16,4 x 26,5 cm, Inv : A.996.120.23 (2) Verso Donation L'Aracine, Musée d'art moderne de Lille Métropole, Villeneuve d'Ascq Crédit photo : Alain LAURAS, La Cité Numérique Musée d'art moderne de Lille Métropole Judith Scott, née dans l'Ohio en 1943, a passé une partie de son existence dans une institution psychiatrique, dans l'impossibilité de communiquer avec les autres à cause d'une maladie génétique - le syndrome de Down - agravée par une surdité totale. A 43 ans, sa vie a été bouleversée lorsque sa soeur jumelle a pris la décision de l'emmener vivre avec elle, et qu'elle l'a inscrite au "Creative Growth Art Center", à Oakland. Petit à petit, Judith Scott s'est mise à créer des formes diverses, sortes de cocons dissimulant des objets, produits par une accumulation de matériaux entrelacés. Ces objets mystérieux, enserrant un secret en leur sein, sont parfois anthropomorphes : figures de bébés qu'elle berce, ou, dans oeuvres plus récentes, formes suffisamment grandes pour comprendre le corps de la créatrice. Ces oeuvres très émouvantes semblent fonctionner comme une sorte de langage qui pourrait nous permettre d'approcher le monde intérieur de Judith Scott, papillon emprisonné dans sa gangue qui tente avec force de se libérer, grâce à la création. Judith SCOTT sans titre (poupée), n.d., Laine et tissu 72 x 22 x 17 cm, Inv : A.996.36.3 Donation L'Aracine, Musée d'art moderne de Lille Métropole, Villeneuve d'Ascq Crédit photo : Alain LAURAS, La Cité Numérique Musée d'art moderne de Lille Métropole Dernier artiste présenté, Scottie Wilson (1888-1972) échappe un peu aux stricts critères de l'art brut. Analphabète, autodidacte, Scottie Wilson dessine avec des hachures régulières et rythmées, des figures féériques, proches de celles des Surréalistes, lesquels se sont d'ailleurs intéressés à son art, Breton en particulier. Conscient de son travail, capable de sélectionner ses oeuvres, il a organisé des expositions, attirant l'attention de Dubuffet malgré le fait qu'il soit entré dans certains circuits marchands, ce qui le situerait en marge de l'art brut. Scottie WILSON (Louis Freeman, dit) sans titre, n.d., Encre et stylo-feutre sur carton 62 x 48 cm, Inv : A.996.10.2 Donation L'Aracine, Musée d'art moderne de Lille Métropole, Villeneuve d'Ascq Crédit photo : Philip BERNARD droits réservés Ce parcours très diversifié offre au visiteur
une première approche de l'art brut, avant qu'une aile
du musée y soit entièrement consacrée grâce
à des donations comme celle, surtout, de l'association
l'Aracine (www.laracine.org). Anguéliki Garidis |