A la lumière de leur histoire "kakanique" (Robert Musil appelait la &laqno;KüK" ou double monarchie austro-hongroise ironiquement la "Kakanie"), l'Autriche et la Hongrie semblent condamnées - du moins sur le plan culturel - à être le terrain de prédilection des douces illusions, des clichés interchangeables et des chromos jaunis mis au service d'idéologies réactionnaires et obscures. La plupart des images que l'on donne de l'Autriche et de la Hongrie résultent d'un regard colonial extérieur qui les dépeint comme le royaume des anecdotes et des curiosités,- de la joyeuse Apocalypse. La propagande a-historique du postfascisme a généré de ces deux pays des images caricaturales bon marché. Cette exposition veut lever le voile sur une réalité méconnue. En dépit du travail de sape et de l'obstruction politiques, l'Autriche et la Hongrie ont, du début du siècle à ce jour, donné naissance ou adhéré à des courants artistiques analytiques (tels que le constructivisme, l'art cinétique, l'op-art, l'actionnisme viennois et l'architecture visionnaire), ainsi qu'à des courants philosophiques (la psychanalyse, la philosophie du langage, la théorie du jeu, la cybernétique, la physique quantique) qui ont apporté leur pierre à l'édifice de la culture planétaire. Il est clair que pour y parvenir, l'Autriche et la Hongrie ont été obligées d'aller au-delà des disciplines artistiques traditionnelles, puisque c'est précisément dans le domaine des méthodes analytiques et abstractives de l'interprétation du monde (dans les. arts formels et les sciences) que résident leurs premières contributions. Cette exposition réunit les performances et les oeuvres d'une centaine d'artistes et d'un nombre équivalent d'hommes et de femmes de sciences autrichiens et hongrois en une grande mosaïque présentée suivant une nouvelle approche méthodologique et philosophique dans laquelle l'art et la science sont inextricablement liés (au lieu du modèle traditionnel basé sur l'évolution individuelle et stylistique). Nombre de ces oeuvres ont vu le jour à l'étranger du fait qu'en Autriche et en Hongrie la culture était constamment sapée par la politique. D'autres individus et groupes ont par contre bravé les obstacles et les crimes politiques et ont participé activement à l'édification de la culture et de l~ science internationales au départ de leur pays. La culture y a fleuri en dépit du climat politique (en dépit de la longue domination des systèmes réactionnaires et totalitaires), du fait qu'elle est un système générateur de connaissances, qui dépasse toujours non seulement ses propres frontières, mais aussi les frontières d'un territoire, d'une langue, d'un état, d'un peuple, d'une nation ou d'une religion. C'est ce qui a permis aux courants spirituels collectifs de naître et de continuer à se développer en dépit de l'exil d'un grand nombre de ses auteurs et en l'absence d'une unité géographique. Cette mise en carte kakanique de la culture, telle qu'envisagée
dans fa présente exposition, montre l'art au-delà de l'art
qui a vu le jour également au-delà des frontières autrichiennes
et hongroises. |