[ Muhka ]


L'Autolapsus de Gert Verhoeven

Until September 20, 1998 / jusqu'au 20 septembre 1998

 

Les suites de dessins de Gert Verhoeven sont très impressionnantes par leur rare, quasi douloureuse fragilité et leur écriture presque pathologique.

En tant que spectateur on a indubitablement l'impression d'avoir à faire ici avec des idéogrammes d'un psychodrame, comme avec des dessins de malades mentaux ou d'enfants en thérapie. Il utilise formellement cet effet en combinant des mots, qui ont très vite un sens freudien (papa, maman, petit frère), et des formes archétypales, infantiles (main, poupée, phallus), ou par l'usage de formes suggérant des schémas (mais alors sans explication), ou par l'écriture d'une illisible 'lettre à ma petite cousine. Des titres, tel L'esprit devenu doigt: inceste' ou l'usage de néologismes idiosyncratiques, tels 'autocratie' ou 'autolapsus', renforcent ces connotations freudiennes. D'où le caractère intime de ses dessins; ils donnent au spectateur une vague impression d'être un voyeur. Dans la vidéo 'PAPA M'A: + préproduction' il laisse l'oeuvre faire le commentaire des images. Une vidéo montre un doigt et sur cette image presqu'immobile trois scènes se déroulent off screen: des dialogues entre deux personnes difficilement identifiables (père et enfant?). Ces dialogues pseudo-analytiques thématisent explicitement la signification et le rôle du spectateur en tant que voyeur. Qu'il le veuille ou non, le spectateur est mêlé au jeu de oui/non, de prononcer (lapsus) et de refuser (refouler). L'illisibilité paradoxale et exégète de son oeuvre ressemble au compromis du rêve, du lapsus: laisser parler l'interdit, non pas de manière lisible directe, mais de manière contournée, énigmatique; non pas comme action mais comme action ratée(lapsus). L'illisibilité est un déguisement des désirs, une acceptation du refoulement en échappant de manière non-décelable car insignifiante, incohérente (et donc à peine censurable) au contrôle du sujet - qu'il soit ego ou super-ego - comme dans le lapsus ou dans le rêve. Lorsque quelqu'un développe cette stratégie de l'inconscient en stratégie consciente artistique, on pourrait dire qu'il utilise le détour comme méthode et même comme but (pour jouer un jeu, jouer à cache-cache avec le spectateur forcé à endosser le rôle de thérapeute, mais en même temps aussi à l'abandonner en tant que voyeur).

Et pourtant il ne s'agit pas d'une apologie des profonds états d'âme de l'ego de l'artiste 'incompréhensibles pour de simples mortels). Verhoeven refuse nettement le culte du sujet. Cela n'est pas en contradiction avec le choix d'une écriture patho-analogique, car le freudisme est une 'insubjectivité': non pas l'ego, mais le non-ego (l'inconscient) est primordial chez Freud, et l'inconscient est la marge de ce que nous nommons subjectivité. D'ailleurs les clichés psychologiques sont tellement évidents que les oeuvres minent ainsi elles-mêmes le thème profondément sérieux et acquièrent en effet ironique.