[Le Reverbere 2 ]

 

LAURENT DEJENTE
ITINERAIRE BIS, 1999
Les Panoplies

 

Parc du Dourven (1) - 176 x 140 cm - Photographie couleur 1999

 

Vouloir photographier l'univers de nos activités de loisirs dans la nature, c'est se trouver confronté immédiatement à une imagerie de l'ordinaire, a priori peu intéressante et faite de clichés.
Le travail photographique d'Jtinéraire bis s'appuie volontairement sur l'aspect puissamment référentiel du cliché, le décale dans le but de donner une vision symptomatique de nos comportements. A première vue, on assiste à des tableaux qui semblent être pris sur le vif. Alors qu'au contraire, les personnages sont des acteurs, accessoirisés, qui miment des postures simples (marcher, contempler) ou plus complexes (exprimer l'inquiétude, la crispation) dans des scènes composées de manière à créer le décalage recherché.
La nature devient un décor devant lequel les acteurs jouent les randonneurs contemplatifs
(les Sorties). Dans les Panoplies, le jeu des acteurs se complexifie et passe par une recherche préalable à partir de leurs propres tics pour traduire un état de crispation.
Dans les deux séries, mes personnages contredisent le cliché hédoniste et romantique de la régénération physiologique et psychique spontanément associée à la nature; ils semblent plutôt en proie à des enjeux qui les dépassent

Laurent Dejente

 

 

ANDRE FORESTIER
DEPAYSEMENT
ESPACES VERTS
1997-1999

 

Attitdes / Altitudes, 1995

 

Les paysages sont le reflet des sociétés qui les produisent, comme elles, ils sont en perpétuelle mutation. Ils sont structurés, inventés, modelés, adoptés, rejetés par des systèmes sociaux qui, selon leurs options politiques, philosophiques façonnent et déterminent leurs implantations.

Les mégapoles contemporaines développent de nouveaux espaces où le paysage devient interstitiel: des carrefours, des ronds points, des abords de centres commerciaux tout autant que des halls de gare, des galeries marchandes où la végétation domestiquée fait paysage. Je dis "fait paysage" comme on dit 11faire sens". Ces constructions végétales distillent au fil des villes des images qui contiennent en elles les raisons de leur élaboration. Leurs typologies réfléchies et adaptées à chacun des interstices trahissent en filigrane les enjeux de leur présence.
Pour mettre en images ces enjeux, André Forestier utilise un appareil de format 6 x 7, ce rectangle qui côtoie de près le carré lui permet de jouer avec les rapports d'espace des lieux. Par la distance et la
frontalité choisie pour chacun des points de vue, il étalonne les échelles, les plans, les profondeurs et les chromatismes.

Ainsi, sous le trait d'un regard qui s'applique à gommer toute présence humaine, le doute s'installe sur la réalité de ces lieux, sont-ils des maquettes ou non ? Ce sentiment se trouve renforcé par la couleur kitsch due au conflit entre la lumière naturelle et artificielle.

Dépaysement est la recherche de paysages construits et même architecturés qui s'imposent comme naturels malgré leur artifice flagrant. André Forestier est attentif aux glissements, aux décalages, aux écarts par lesquels se révèlent la poétique fictionnelle de cette vraie fausse nature qui a pour cadre de vie le tissu urbain.

J.Damez

 

ATT'ITUDES-ALTITUDES, 1995

Col d'Aubisque, altitude 1709m. Point d'arrivée.
Derrière le signe se cache l'ascension. Des journées et des heures avant de contempler le spectacle de la nature à 360m. Le point sublime n'est pas encore fléché.
Etre au plus haut. Simultanément voir et être vu quand dans ce geste ultime de mise en boîte photographique.le père établit la preuve du passage.
30 ans plus tard. Le fils a grandi. Le voyage est plus court, une journée peut suffire. Les mêmes cols, la même posture. Le noir et blanc a cédé la place à la couleur. Ce n'est plus le père qui regarde le fils, mais le fils qui se regarde, regardant Sur le panneau que le gravier enfonce, l'altitude a été revue à la baisse. Il y manque un mètre. Le montagne sans âge a tronqué son immensité contre une côte précise. Le monde a rétréci. Les points sublimes se multiplient et se ressemblent.

Nous sommes loin de la nostalgie d'un Casper David Friedrich. Paradise lost. Bienvenue sur terre.

Beatrix von Conta

 

POINT DE CHUTE, 1997-99

Point de chute, ce titre à double entrée résume les questions de ce polyptyque vertical de grandes dimensions. En effet, ces hommes qui, dans leur saut de l'ange ne cherchent pas à rejoindre Icare mais à parcourir dans le temps de leur tombée le film de leur épouvante, n'auront point de chute.
La tension jusqu'à la limite de la rupture de l'élastique leur arrachera le plus souvent un appel à leur mère comme si cet élastique/cordon ombilical les attachait à leur naissance. Les photographies les immobilisent la tête en bas, pendus par les pieds.
Les tirages aux couleurs acidulées par le traitement infographique exacerbent par leur grandeur et leur matière empatée la théâtralité de cette mise en scène sociale.
Ces épreuves digitalisées sont le point de chute de l'aventure.

J. Damez