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Le Shtetl perdu et retrouvé de Simon Karczmar

Peindre le temps retrouvé d’une enfance lointaine et d’un monde disparu, détruit, exterminé… et n’en garder que la joie passée, la vie sauvegardée dans la mémoire d’un garçon de cinq ou six ans, qui va, l’été, dans le village de son grand-père. Un Shtetl de Russie, actuellement en Lituanie, plus précisément dans une enclave lituanienne entourée par les barbelés de la frontière biélorusse.

Villages à moitié désertés, où les maisons pimpantes aux couleurs vives côtoient celles dont les murs de bois se sont effondrés, délaissées depuis la guerre, depuis que les nazis ont anéanti la vie juive, si florissante encore au début du XXe siècle, lorsque le petit Simon y venait en vacances, quittant la grande ville de Varsovie pour être plongé, à l’issue d’un long voyage, dans les couleurs, les odeurs, les saveurs et les chants d’un monde inconnu.





Le petit garçon a gardé tout cela enfoui dans sa mémoire. Simon Karczmar a étudié à l’Ecole des Beaux-arts de Varsovie, puis à celle de Paris, a fondé une famille et a dû  délaisser son art, a traversé la guerre, participant à la Résistance française. Sa femme, déportée à Auschwitz, reviendra avec les rares survivants des camps, quand les soixante membres de la famille de Simon restée en Pologne disparaitront dans le ghetto ou les camps d’extermination. Son fils Natan, caché chez des villageois, dans le centre de la France, sera sauvé lui-aussi, et ils se retrouveront tous trois à la fin de la guerre, s’exilant à plusieurs reprises.

A cinquante neuf ans, après une vie de travail, de souffrances et de moments heureux, par un étrange aléa du destin, alors qu’il risquait de devenir aveugle à cause d’une allergie aux yeux due aux fourrures qu’il travaillait, poussé par sa femme Nadia – Neshuma en hébreu : le souffle, l’âme - , qui savait ce que revivre veut dire, Simon se remet à peindre… avec les yeux et la main de l’enfant qu’il était lorsqu’il allait rendre visite à son grand-père, au tout début du XXe siècle. Et c’est dans un style naïf, presque innocent, rejetant ce qu’il avait appris à l’école des Beaux-arts, qu’il se met à peindre un feu d’artifice de fêtes juives, de marchés grouillants, de charrettes cahotant sur les chemins bourbeux, de silences amoureux bercés par le clair de lune, transfigurés par le souvenir, le rêve et la joie d’un monde gardé intact dans sa mémoire d’enfant que les malheurs n’ont pas réussi à effacer.

Résilience tardive mais accomplie. Simon Karczmar passera ainsi le dernier quart de sa vie à peindre et exposer ce monde retrouvé, ce monde disparu qui a su inscrire sa trace dans les premiers souvenirs joyeux d’un homme qui a traversé l’histoire du XXe siècle, avant de s’installer, après bien des voyages et des péripéties, en Israël, dans un autre shtetl, celui de Safed, où Arabes et Juifs essayaient de se côtoyer en paix.

Anguéliki Garidis (agaridis@hotmail.com)

Novembre 2018, à l’occasion des deux expositions organisées en Lituanie, l’une à Dieveniskes (le sthetl de Juvenishki, où vivait le grand-père de Simon, où vient d’être créé un mémorial en son honneur, et où le nom de Simon Karczmar va être donné au lycée technique régional) (octobre-novembre 2018) et l’autre au musée Gaon de Vilnius (exposition du 22 novembre 2018 au 21 janvier 2019).

- Animation créée à partir des tableaux de Simon Karczmar : https://www.youtube.com/watch?v=l8zFHj-flQ0&t=117s
            - Œuvres de
Simon Karczmar : Le shtetl de Simon Karczmar



© Simon Karczmar, Scène nocturne du shtetl 
acrylique sur toile




© Simon Karczmar, Tevie le laitier la nuit
acrylique sur toile





© Simon Karczmar, Simha Thora
acrylique sur toile




Mémorial de Simon Karczmar à Juvenishki (Duveniskes, Lituanie)



Exposition au musée Gaon de Vilnius (Lituanie)



Exposition au musée Gaon de Vilnius (Lituanie)



Exposition au musée Gaon de Vilnius (Lituanie)



Exposition au musée Gaon de Vilnius (Lituanie)