Marc Pessin à son bureau
Marc Pessin ou le vertige du labyrinthe
Arrivée
dans la ville de Grenoble, je me suis égarée dans
l’enchevêtrement des
ruelles pour aller à la rencontre de Marc Pessin. J’ai
affronté les
dédales de la Tour de l’Isle dans le Musée de Grenoble,
pour découvrir
ses architectures aériennes, sculptures-gravures
ciselées, légèreté de
l’acier élancée vers un ciel imaginaire et ses
séries de gravures
monochromes, reliefs délicats, d’une étrange blancheur.
En haut de la
tour m’attendait le labyrinthe, disque de Phaistos revisité en
creux,
signes énigmatiques, écriture imaginaire
créée pour une civilisation
réinventée.
Marc Pessin. Gravure n°53
Gravure au laser, estampage à sec sur vélin d’Arches,
2008.
120 x 80 cm - Tiré à 10 exemplaires. Atelier Marc Pessin
Dans
les bibliothèques de Grenoble j’ai admiré les livres de
Marc Pessin,
échange fructueux d’un éditeur-graveur épris de
poésie avec les
écrivains de son temps. Les textes de Senghor, d’Eluard, de
Borges,
d’Asturias, de Guillevic, de Marguerite Yourcenar, d’André
Chedid, de
Michel Butor ou de François Cheng côtoient ceux de
poètes moins connus,
illustrés pourtant avec la même ardeur, associant la
pureté du trait et
l’envolée lyrique. Lignes courbes, « flux
laminaires »,
dessins à l’encre de chine, calligrammes sculptent les
poèmes, leurs
offrent le relief d’une vague, d’une strate minérale.
Livre avec des poèmes d'Adonis
Collection Marc Pessin
Et dans
galerie Ka & Nao, j’ai rencontré le
« bibliotaure »,
plein de douceur, flânant parmi ses œuvres. Détails d’un
monde
merveilleux imaginé par l’artiste, donnés à voir
par touches au
visiteur invité à rêver, à se faire
Champollion pour le découvrir, pris
de vertige devant l’ampleur d’une œuvre qui n’en finit pas de
dévoiler
ses secrets. Voyage initiatique.
Ecritures en creux et en relief
offertes aux « voyants » potentiels. 1200
signes :
hiéroglyphes, alphabet, syllabaire, expressions, phrases
entières
contenues dans un seul élément graphique, écriture
polymorphe gravée
sur des cylindres, des tablettes, des monnaies et des sceaux en
céramique, bas-reliefs minuscules imprimés dans
l’épaisseur du papier,
estampées sur le tissu, traces matérielles de la
civilisation
« pessinoise » issue de l’imagination foisonnante
de
l’artiste, vestiges enterrés parfois pour des
archéologues-poètes d’un
futur possible.
Monde parallèle, hors du temps ou venu d’un autre
temps, de ces mondes suggérés par les astrophysiciens et
que l’on croit
percevoir dans les gravures récentes.
Traités de botanique et
d’entomologie imaginaires, fossiles patiemment, savamment
répertoriés.
Histoire d’une civilisation étudiée aux
différentes phases de son
évolution, à travers les chroniques de ses rois, sa
cartographie et les
objets des fouilles dont l’artiste emprunte les traits aux diverses
civilisations qui ont précédé la notre.
Synthèse de lieux, d’époques,
condensé de civilisations, Marc Pessin réécrit
notre histoire avec un
sérieux non dénué d’humour. Et la civilisation
pessinoise ressemble
parfois étrangement à la notre, dans les gravures
récentes alignant des
empreintes, où des séries de canettes, de pièces
à la fonction inconnue
s’ajoutent aux écritures mystérieuses des Pessinois.
céramique pessinoise
Collection Marc Pessin
L’artiste
se fait naturaliste, paléontologue, archéologue,
paléographe,
archiviste, mythographe, alchimiste peut-être, ou encore
philologue,
pour déchiffrer le silence. Erudit et poète, peintre,
graveur,
sculpteur, copiste de génie, Marc Pessin cumule les talents et
accumule
les traces d’un monde de signes, d’un univers de papier cousu,
collé,
incisé, estampé, de céramique ou de tissu, qui
s’étend de la
préhistoire à l’abstraction et qu’il a créé
afin d’y vivre.
Claire Goll et Yvan Goll
Hölderlin ou La tour du fou, Elégie de l’atome, Lilith
12 gravures de Marc Pessin
Saint-Laurent-du-Pont, Le Verbe et l’Empreinte, 1973
31 x 53 cm - Tiré à 50 exemplaires
Collection Marc Pessin
Le
vrai et le faux n’ont pas de sens dans cet univers imaginaire et
réel à
la fois, qui interroge la matière, le temps et l’espace, la
mémoire.
Inlassablement, Marc Pessin crée des réseaux, entre le
monde connu et
celui qu’il imagine, entre les civilisations qui se sont
succédées sur
les différents continents et dont il étudie les strates,
entre les
poètes du monde entier, qu’il réunit par la force de ses
gravures dans
sa riche maison d’édition, « Le Verbe et
l’empreinte »,
fondée en 1965, ou encore avec ses correspondants d’art postal.
L’artiste
tire les fils multiples de son labyrinthe pour nous entrainer dans son
monde, alliant la beauté à une inspiration vertigineuse.
Anguéliki Garidis
Marc Pessin éditeur-graveur
Marc Pessin à la
Galerie Ka & Nao
Musée
de Grenoble : dans la Tour de l’Isle sont exposées une trentaine
de
gravures sur papier grand format de Marc Pessin ainsi que des
sculptures sur inox (jusqu’au 14 juin 2009).
La Bibliothèque
d’étude et d’information présente le travail de Marc
Pessin entrepris
il y a une cinquantaine d’années autour de l’écrit.
(jusqu’au 29 août)
La
bibliothèque du centre ville présente la collaboration
entre le poète
Jean-Claude Renard (1922-2002) et Marc Pessin. (jusqu’au 29 août)
La
Galerie Ka & Nao : expose des gravures, des sculptures et des
objets en céramique du 15 avril au 30 mai. 6 rue Aubert Dubayet
38000
Grenoble. Tél. : 04 76 53 86 79.
Liens :
http://www.museedelaposte.fr/Expositions/Marc_Pessin__au_coeur_de_l_ecrit/index.htm
http://www.fontaine38.fr/canal9/index.php?2007/05/25/84-marc-pessin-expose-au-vog
http://www.artpointfrance.info/article-29878328.html
http://www.archives-lyon.fr/64_parcours/Recherch/pessin/chercheu.htm
http://galerie.froggydelight.com/index.php?s=2&d=167