La sombre clarté des anges d’Omar Galliani

A propos de l’exposition Le Code des anges
au Musée Diocésain de Padoue (16 avril-31 juillet 2011)


Omar Galliani : Disegnata (détail), 1994, dessin au crayon sur bois, 100 X 200 cm
© photographie de Luca Trascinelli 2010
-

Pendant quelques mois, à l’occasion de la grande exposition intitulée Guariento et la ville de Padoue à l’époque des Carraresi qui s’est déroulée sur plusieurs sites, la ville s’est muée en cité des anges. Guariento et ses anges d’inspiration byzantine et gothique étaient à l’honneur. En hommage au « Maître des anges » du 14e siècle, l’artiste contemporain Omar Galliani a exposé quelques-unes de ses œuvres au Musée Diocésain. Son Code des anges esquisse un dialogue avec les fresques (les Vertus de la salle des Evêques) et les tableaux du musée : l’Annonciation de Jacopo de Montagnana, mais surtout l’œuvre du Guariento, plus amplement présentée au Palazzo del Monte, épicentre de l’exposition.

Les anges sombres d’Omar Galliani, sensuels et ascétiques à la fois, charnels et spirituels, où se mêlent Orient et Occident, figures d’inspiration chrétienne ou musulmane (proches parfois des miniatures persanes ou mogholes) mais aussi extrême orientale, figures ailées observatrices ou au regard retourné sur lui-même, volant, dansant dans l’espace ou immobiles, en posture de méditation, répondent aux anges lumineux du Guariento. Si le noir du graphite remplace le plus souvent l’or et le pourpre, la couleur vient parfois instaurer un autre dialogue : le « bleu outremer » de l’ange aux yeux baissés ouvrant l’exposition et qu’on croirait surgi des films angéliques de Wim Wenders, évoque la couleur des ciels peints par Giotto dans la Chapelle des Scrovegni et l’écarlate prend le pas quelquefois sur les infinies nuances du gris.

Silhouettes évanescentes dont les visages aux traits quasiment photographiques dans leur précision, très contemporains, comme issus de l’univers de la mode, sont dessinés à la manière des peintres de la Renaissance italienne, avec la technique classique du sfumato léonardesque.

Clarté obscure d’une figure noire ailée et auréolée, apparition se détachant à peine du fond gris sombre, sur lequel volètent des lys à peine esquissés au graphite blanc, rappelant la fonction annonciatrice de l’ange.

Une figure géométrique indéfinissable, à peine visible, traverse le visage d’un ange féminin, irradié en partie par un pan de lumière, un œil ouvert, comme indifférent. Des cercles parfaits répondent à la symphonie stellaire des anges, comme pour mieux éclairer le ciel nocturne. Traits, signes énigmatiques, symboles, comme gravés sur le fond sombre, griffures de lumière, se donnent à voir comme en surimpression, tels des mantras silencieux, une écriture à déchiffrer, un « code » des anges. Fond noir strié de blanc comme un ciel étoilé, une voie lactée. Architectures mystérieuses : temple ou rose céleste inscrite sur l’obscurité d’un ciel sublimé.

Lumière et ténèbres s’entrelacent dans les dessins d’Omar Galliani, évoquant le double visage de l’ange, suspendu entre ciel et terre, miroir de l’homme, de ses aspirations et de ses doutes, également évoqué par les figures spéculaires de siamois, qui se déclinent dans différentes expositions[1]. Comment ne pas faire le parallèle avec l’œuvre de Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, qui en parallèle à leur Cycle de l’Ange, constitué d’œuvres photographiques et vidéographiques, ont aussi créé un Cycle des Jumeaux, proposant des photographies de jumeaux siamois retravaillées en surimpression comme une autre figure possible de l’ange.

Galliani revisite le thème de l’ange, entre visible et invisible, dans la lignée de Gustave Moreau ou d’Odilon Redon. Au-delà de l’ « anachronisme »[2] de son dessin, digne des maîtres de la Renaissance, la mise en espace, la fragmentation, le mélange des techniques, le choix de proposer des œuvres graphiques sur des panneaux de bois de grandes dimensions, donnent à son œuvre une facture contemporaine. Invité à exposer dans de nombreux musées à travers le monde, Omar Galliani a participé plusieurs fois à la Biennale de Venise, ainsi qu’à celle de Sao Paulo et de Pékin, où il a remporté le premier prix en 2003.

Anguéliki GARIDIS
            © Anguéliki Garidis (agaridis@hotmail.com)

Docteur ès Lettres, a publié Les Anges du désir, Albin Michel, 1996.



[1] Espace Omar Galliani, St Paul de Vence, 2009 ; Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne Métropole, 2010, etc.

[2] Omar Galliani fait partie du groupe « des Anachronistes » et du mouvement « Magico Primario », fondés dans les années 80 en réaction à l’art conceptuel international et aux installations multimédia.