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Cueillir la racine des nuages


Danielle Dénouette, frottage

Lorsque l’on regarde attentivement l’œuvre de Danielle Dénouette dans son ensemble, et surtout son travail le plus récent, des cycles apparaissent, qui rayonnent comme des arborescences partant d’un tronc commun, invisible mais puissant, colonne vertébrale d’un travail qui depuis toujours relie la création dans sa matérialité la plus intime à une spiritualité profonde. Arborescences en miroir dans leur thématique même, lorsque des ondoiements d’algues célestes répondent à l’enchevêtrement des branchages. Feuilles mortes, brodées comme pour leur redonner vie, matériaux offerts par la nature réutilisés dans des mises en scène miniatures, boîtes aux secrets ouvertes sur l’imaginaire, sont comme des racines plongées dans l’humus, baignant dans les tréfonds de la terre, pour rejoindre, à l’autre bout du ciel, des dendrites – du grec dendro : l’arbre – à la légèreté étoilée, plongée dans une vapeur mauve ou bleutée, la matière cachée du cerveau et les veines des feuilles rejoignant les circonvolutions des branches.

Visages – esprits des bois, fantômes de la nature – incrustés dans les nervures des feuilles, feuilles et ailes découpées dans la chair de la poésie, laissant entrevoir les mots, deviner des mondes. A la rapidité d’exécution des frottages végétaux à la mine de plomb répond le travail minutieux, d’une grande patience, des rouleaux à la manière des ikebanas japonais, arbre à échelle humaine avec ses branches et ses racines ou nuages – myriades d’étoiles dans un ciel bleu sombre. Ces formes rayonnantes, dessinées, peintes ou gravées, inspirées par la végétation deviennent parfois écrin pour embaumer les victimes d’une guerre ou d’une catastrophe naturelle, lorsque les événements mondiaux déclenchent des bouleversements intimes, comme ces enfants morts de Syrie ou d’Afrique bercés pour l’éternité dans un nuage de fleurs ou ces feuilles ourlées du fil blanc du deuil, du fil rouge de la vie, herbier guérisseur, réparateur infime des blessures infligées à la nature.

Anguéliki Garidis 2017


Danielle Dénouette, frottage


Danielle Dénouette, frottage



Danielle Dénouette, frottage