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Micheline Beauchemin, sculpteur-lissier
Tisser la lumière
Tisser
la lumière et le temps, avec une grande patience, accueillir les
couleurs secrètes que la glace renferme, pour traduire l’émerveillement
du réel, le recréer avec les couleurs et les textures du rêve. Poète de
la matière, Micheline Beauchemin tisse la lumière avec des fils de
laine, d’argent, de plomb, joue avec l’opacité et la transparence, avec
l’ombre et la lumière, et ses compositions, dans leur abstraction même,
touchent l’essence du paysage.
Amour de la nature allié à
l’amour des peuples qui offrent leurs traditions millénaires – grecque,
japonaise, inca, inuit, etc. – pour être transfigurées, mêlées l’une à
l’autre dans une œuvre nouvelle, qui brise les frontières entre
l’artisanat et l’art, se construit lentement, avec obstination – chaque
œuvre prend près d’un an de travail acharné pour s’accomplir.
Union
éblouie avec la nature, fascination pour les éléments, les plantes, les
animaux, des petites fourmis dessinées à Mistra, dans le Péloponnèse,
en 1954, lors d’un séjour à la découverte des traditions de broderie et
de tapis crochetés des paysannes grecques, jusqu’aux immensités
blanches du pays des Inuits – où l’artiste a allié l’apprentissage des
techniques traditionnelles à la transmission de son savoir aux femmes
autochtones[1].
Œuvre lumineuse qui absorbe les éléments et les
traditions pour les magnifier. L’artiste fascinée devant les éléments
naturels, le fleuve, la glace, la neige, les fleurs, donne à voir au
visiteur ébloui l’eau iridescente et la magie des glaces, les secrets
d’une nature toujours changeante, mouvement rendu par le jeu de
lumières et de couleurs, la variété des textures recherchées à travers
le monde – toute jeune encore, l’artiste n’hésitera pas à voyager
jusqu’au Japon, dès 1962, pour demander à travailler sur le plus grand
métier à tisser du monde (15 m de longueur, 3 étages de hauteur) et
tisser un rideau de scène pour la Place des Arts, à Montréal. C’est
aussi au Japon qu’elle va confectionner le rideau de scène du Centre
National des Arts à Ottawa (1966-9), œuvre qui contribue grandement à
l’effort constant de l’artiste pour intégrer l’art à l’architecture.
A
l’exigence de la chaîne et de la trame, à la contrainte de la
technique, vient se greffer l’énergie et la passion d’une artiste qui
ne se lasse pas de transmettre son enchantement, transfigure le réel
pour mieux le représenter, mêle les ailes des goélands et des oies
sauvages attirées par le fleuve, à celle des anges. « Mirages blancs »
perçus dans l’immensité glacée, auprès des Inuits, ou « Cité des anges
», ou bien encore, du côté de l’obscurité, « sombre carapace » du
fleuve au moment de la débâcle ou de l’embâcle. Et lorsque l’œuvre
d’art inspirée par les éléments naturels s’inscrit dans cette nature
même, lorsque les grandes ailes lumineuses de l’hiver, faites de fil
d’argent et de plomb, de filament d’acrylique et de nylon, viennent se
poser sur la neige, aux premières lueurs de l’aube, alors l’art et la
nature s’unissent, le paysage s’approprie l’œuvre comme un élément
surgi de son sein.
Les saisons, perpétuel ravissement, inspirent
l’artiste dans sa démarche contemplative et exigeante. L’automne, le
début de l’hiver avec ses noirceurs, évoquées par les couleurs
naturelles et les différentes textures de la laine de lama et d’alpaga,
ramenées d’un voyage au Pérou, dans « Paysages, saisons, je vous aime
», œuvre de 1978. Le printemps étincelant avec la série des «
Mille fleurs », panneaux chatoyants de laines teintes juxtaposées pour
exprimer la nature épanouie après l’hiver glacé du grand nord.
Et
dans sa dernière œuvre à ce jour, en cours de réalisation, grâce à la
modernité des techniques, Micheline Beauchemin parvient à tisser
concrètement la lumière, avec la sculpture étincelante, joyeuse,
imaginée pour la Tohu, la Cité des Arts du Cirque, berceau du Cirque du
Soleil, à Montréal.
Anguéliki Garidis
[1] Envoyée par le Conseil Canadien des Arts Inuits.
BiographieMicheline Beauchemin
devant ses oeuvres exposées à la
Maison de la Culture Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal
Micheline Beauchemin est né à Longueuil, au Québec, en 1930
Elle a fait ses études à l'Ecole des Beaux-Art de Montréal, puis à l'Académie des la Grande Chaumière avec Ossip Zadkine.
Elle a voyagé au Japon, en Grèce, en Équateur, au Pérou, en Bolivie et en France.
Ses
œuvres font partie des collections du Musée national des beaux-arts du
Québec, du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée des beaux-Arts de
Québec et de nombreuses autres d’institutions du Canada, des
Etats-Unis, du Japon et d'Europe.
Elle est lauréate des prix suivants:
1971 - Prix Lynch-Staunton
1973 - Officier de l'Ordre du Canada
1976 - Prix d'excellence de l'IRAC
1982 - Saidye-Bronfman
1983 - Prix Louis-Philippe-Hébert
1988 - Prix de l'Institut canadien de Québec
1991 - Chevalier de l'Ordre national du Québec
2005 - Prix Paul-Émile-Borduas
Principales expositions:
- 1955 Palais de Chaillot (tapisseries et vitraux), Paris.
- 1956 Palais des Beaux-Arts de Chartres, en France
- 1957/58 Pavillon canadien de l'Exposition Internationale de Bruxelles.
- 1957 Galerie nationale du Canada.
- 1958 Galerie Denise Delrue, Montréal
- 1959 Musée des Beaux Arts de Montréal.
- 1968 Nihonbashi Gallery de Tokyo.
- 1970 Centre National des Arts, Ottawa
- 1980 Dixième Biennale internationale de tapisserie de Lausanne, Suisse.
Barbican Centre, Royaume-Uni.
- 1990 Place des Arts de Montréal.
Elle est membre de l’Académie royale des arts du Canada.
Liens :
Les Prix du Québec :
Vidéo : http://www.prixduquebec.gouv.qc.ca/ehtml/2005/micheline-beauchemin-c.html
http://www.prixduquebec.gouv.qc.ca/recherche/desclaureat.asp?noLaureat=318
Bibliothèque et archives du Canada :
http://www.collectionscanada.gc.ca/femmes/002026-503-f.html
Collection Bronfman :
http://www.civilization.ca/arts/bronfman/beauch2f.html
Vie des arts :
http://www.viedesarts.com/202/art_02.html
Rideau de scène d’Ottawa :
http://www.cci-icc.gc.ca/publications/newsletters/news38/curtain_f.aspx