Michael Snow
Exposition organisée par le Palais des Beaux-Arts de
Bruxelles, en collaboration avec le L'oeuvre de Michael Snow, né en 1929, est d'une diversité
exceptionnelle. Mettant a profit a la fois sa culture picturale et ses expériences
cinématographiques, Michael Snow témoigne dans
ses photographies d'une recherche qui trouve aujourd'hui beaucoup
d'échos chez des artistes plus jeunes. Depuis ses débuts,
il y a près de 40 ans, il mène une réflexion
constante sur les spécificités du médium
: utilisation de la lumière, du temps, jeu avec les formats
et les supports (tirages sur papier ou sur d'autres supports
disposés aux murs ou au sol, photographies associées
à des objets ou présentées sous une forme
sculpturale, caissons lumineux, projections de diapositives). Cette exposition à caractère rétrospectif parcourt l'essentiel du travail photographique de Michael Snow de 1962 à 1999. Elle révèle l'ampleur et l'ambition de cette oeuvre et permet de découvrir les travaux des années 60 et 70, et de montrer comment l'artiste a su, ces dernières années, prolonger son analyse en la diversifiant grâce à l'emploi de nouveaux procédés. Elle aborde également son oeuvre cinématographique - films d'art expérimentaux construits autour de quelques grands thèmes de réflexion une approche radicale du temps et de l'espace, les modes de perception des choses, l'écriture à travers les techniques de la caméra (panoramiques, plans fixes, zoom avant, plongée, contre-plongée, mouvements giratoires, etc.) Simultanément, une programmation de films de Michael Snow est proposée au Centre Georges Pompidou dans le cadre de l'exposition de réouverture "Le temps, vite", et à la Cinémathèque française. "Notes sur le 'pourquoi' et le 'comment' de mes oeuvres photographiques ". Michael Snow (Toronto, mai 1999). (Extraits du catalogue de l'exposition) "Les appareils photographiques sont des miroirs qui se souviennent, tel est le premier principe. Les 'sujets' sont 'transformés' pour devenir des photos, voilà le second. Pour prétendre à être ce que l'on appelle 'de l'art', la photographie n'a pas seulement besoin de grands sujets, elle doit permettre au spectateur de prendre conscience des étonnantes transformations que subit un sujet pour devenir photo. Mes oeuvres photographiques sont un art d'atelier, et non un art de la vie quotidienne. Lorsque, tenant l'appareil dans la main gauche, j'ai photographié ma main droite en train d'écrire (cette position me mettait dans l'incapacité de regarder dans le viseur), il s'agissait de l'une de mes multiples tentatives pour découvrir des cadrages nouveaux. Sollicitant sans cesse mon appareil pour qu'il prenne des images novatrices, j'ai réalisé, entre autres, Venetian Blind. Je tenais l'appareil à bout de bras en visant plus ou moins mon visage, qui serait forcément flou puisque l'objectif était réglé sur l'infini, afin de saisir ce qui restait visible de la scène derrière moi. La position et l'angle de l'appareil jouent un rôle capital dans Crouch Leap Land, Painting et surtout Recombinant. Les photos de Crouch Leap Land ont été prises par en-dessous. Pour appréhender l'oeuvre, le spectateur doit se placer dans la même position que celle de l'appareil au moment de la prise de vue, c'est-à-dire en-dessous de l'image. Toutes les images de Recombinant (1992) sont prises sous des angles différents (plongée, contre-plongée, etc.) mais projetées sur le même écran, un panneau en bas-relief, de sorte que les positions réelles des choses et leurs emplacements en trompe-l'oeil suscitent chaque fois une interprétation, une réflexion ou un sentiment nouveau. Chacune des images de Recombinant remet en question l'imagination et l'identification du spectateur. La photographie permet de donner n'importe quelle dimension au tirage, et cela ouvre des possibilités prodigieuses. Le choix de l'échelle de la photo par rapport à la dimension et à la nature du sujet est un ressort présent dans toute mon oeuvre photographique. Ce lien entre la taille de la photo et le sujet est véritablement un moteur dans Door, où la minuscule aquarelle a été photographiée à la lumière d'une allumette et l'épreuve finale agrandie aux dimensions et aux proportions d'une porte. La photographie ne possède pas l'aspect tactile (d'une peinture). Dans Slidelength, la présence des mains dans plusieurs images introduit dans quelque chose d'évanescent une idée du "fait main". Mais les "mains" dans Slidelenght, sont faites de lumière, ce ne sont pas des vraies mains, et le fait de s'en rendre compte peut être révélateur. On se trouve dans la représentation elle-même. Parmi toutes les variables disponibles qui sont autant d'acteurs' possibles dans l'image, il y a le fait que quelqu'un l'ait réalisée. S'il m'est arrivé de prendre pour sujet des oeuvres d'art existantes <dans Plus tard, par exemple), j'en ai utilisé d'autres qui avaient été créées spécialement dans un but photographique spécifique. C'est le cas de Times, une grande photo montrant une peinture accrochée au mur d'une pièce dont le sol est également visible. L'examen de cette photo fait apparaître une unité entre tous ses éléments. Les formes de la peinture 'abstraite' bleuâtre se prolongent dans le plancher jaunâtre. Ces deux éléments étaient faits l'un pour l'autre. Si on se réfère au plancher, on se rend compte que toute la scène a été considérablement agrandie et que les éléments étant complémentaires par la forme et la couleur, ils font tous partie du même matériau. Le plancher et la peinture sont d'égale importance. Stereo est une constatation photographique optique et plastique à propos de la symétrie bilatérale chez les humains, les mammifères et les vertébrés. Associant la symétrie organique, la vision binoculaire et le sexe, l'oeuvre est une représentation de la vision stéréoscopique. En 1961, il me sembla intéressant de faire quelques silhouettes, juste un personnage sans arrière-plan, dont le véritable fond serait le mur. Je réalisai plusieurs de ces silhouettes, et l'une d'entre elles devint célèbre sous le nom de Walking Woman. En découpant celle-ci dans un rectangle de carton, je pris conscience que cela créait deux pochoirs me permettant de reproduire la forme obtenue en négatif comme en positif. Je fis quelques variantes à partir de la même silhouette et du même contour. Il me venait des idées de plus en plus nombreuses et je continuai à travailler avec ces silhouettes pendant six ans. Adam and Eve est la transformation digitale d'une photo de moi (prise par mon fils). Chacune des formes de l'arrière-plan est une photographie différente de plantes et de baies. La chemise à carreaux est le célèbre symbole canadien du chasseur. Conception of Light (1992): pour moi, c'est le summum de I'
'art visuel' pur. (Cette oeuvre) consiste en deux photographies
très agrandies (à 188 cm de large), de deux iris
complémentaires de deux yeux différents. L'oeuvre
est installée de telle manière que les deux 'yeux'
semblent se regarder l'un l'autre à travers la pièce,
dérangés peut-être par la présence
des spectateurs. Les deux yeux des spectateurs ne peuvent voir
qu'un seul des yeux à la fois. En qualifiant les yeux
de 'complémentaires', je pense d'abord à leur couleur,
chacune établissant l'identité de l'autre <ce
qui est impossible avec un seul oeil). Leur complémentarité
est également fonction de leur forme. L'oeil bleu est
plus froid, "Peu de films de ce qu'on appelle le cinéma expérimental ou les films d'artistes laissent dans la mémoire de celui qui en a été le spectateur la trace d'un dessein aussi net, aussi tranchant, aussi marquant, que ceux de Michael Snow. Une des conséquences en est que la légende de ces films - leur histoire mythique comme leur descriptif, le légendaire et le légendage - se transmet efficacement et durablement. L'évocation de ces films est convaincante et séduisante au point que parfois elle semble pouvoir suffire : on voit les films sans les avoir vus. L'idée maîtresse, le concept, le dispositif ont une telle force d'apparition qu'ils résistent à tout, aussi bien aux insuffisances du regard puis aux défaillances de la mémoire, qu'aux pentes naturelles de l'imagination de chaque spectateur. Pour Michael Snow, le cinéma est une machine, mais non pas une machine à filmer des images ou des récits préparés pour elle: plutôt une machine de terrassement, une machine à ouvrir le chemin du regard, c'est-à-dire à donner au regard un pouvoir de bouleversement du visible. La cinémachine de Michael Snow est moins une automobile lancée sur l'autoroute d'un road movie qu'un bulldozer qui, pour tracer la route du regard, modifie le paysage. Il y a aussi ceux des films de Michael Snow qui sont eux-mêmes déjà destinés à un autre dispositif, à une autre machine que ceux du cinéma, comme les deux versants filmés face à face, champs/contrechamps, non plus consécutifs mais simultanés puisque destinés à l'écran recto verso de l'installation Two Sides to Every Story Ces oeuvres (installations) empruntent au cinéma autant que le cinéma s'était vu attribuer en pâture, et font, avec des films, de nouveaux types de tableaux, susceptibles d'être accrochés dans les espaces de la galerie, du musée. S'est ainsi constitué, dans un parallélisme parfois dialectique avec l'oeuvre cinématographique, un ensemble d'oeuvres, principalement photographiques qui, par une autre entrée, interroge également la matière, la lumière, le temps. L'oeuvre récente intitulée In Medias Res (1998) est un grand tirage photographique d'environ trois mètres par quatre, qui met en scène une situation et des enjeux directement hérités des oeuvres filmiques. Juste retour des choses, en somme. La cinémachine de Michael Snow a réussi à
re-programmer le cinéma par l'exercice de quelques figures
imposées dans lesquelles cet art, qui les avait inventées,
n'avait jamais songé à se regarder, et aussi à
l'installer dans des espaces d'apparition et de jeu qu'il avait
désertés depuis ses origines foraines. Mais le
film a aussi offert à Michael Snow une machine à
enregistrer et à reprojeter dans un espace mitoyen de
son espace mental, et annexé par lui, la totalité
de son projet d'artiste.
Michael Snow est né à Toronto, Canada, en 1929. EXPOSITIONS PERSONNELLES (sélection) 1999 : Panoramique, oeuvres photo graphiques et films, 1962-7999 Palais des Beaux-Arts, Bruxelles Centre national de la photographie, Paris 1998 : Transparenté, La Ferme du Buisson, Noisiel Redifice, Centre culturel canadien, Paris 1995 : Michael Snow: works from the Collection of the National Gallery of Canada, Musée d'Art contemporain, MontréaI 1994 : Light, Surface and Sound, Presentation House, Vancouver. The Michael Snow Proiect, quatre expositions simultanées dans des lieux différents à Toronto 1992-93 : Galerie Claire Burrus, Paris 1988 : Hara Museum of Contemporary Art, Tokyo 1986 : The lsaacs Gallery, Toronto. The spectral image, Expo'86, Vancouver 1983-84 : Walking Woman Works: Michael Snow 1961-67, Agnes Etherington Art Centre, Kingston, Ontario 1983 : Michael Snow, University of California, Los Angeles Snow in England, Canada House, London 1978-79 : Michael Snow, Centre Georges Pompidou, Paris 1976 : Michael Snow - Ten photographic works, Museum of Modern Art, New York 1970 : XXVe Biennale de Venise
1999 : Musiques en scène, Musée d'art contemporain, Lyon 1998 : Projections, Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, Tourcoing 1997 : Les péchés capitaux: la Gourmandise, Centre Georges Pompidou, Paris 1995-96 : Biennale de Lyon, Musée d'art contemporain, Lyon 1990-92 : Passages de l'image, Centre Georges Pompidou Michael Snow a réalisé une vingtaine de films parmi lesquels il convient de citer wavelength, film couleur de 45 minutes, Grand prix au Festival international du film expérimental de Knokke-le-Zoute en 1967, avec lequel le public européen découvrait Michael Snow. Ce film est resté emblématique d'un cinéma qui réfléchit sur son propre langage. La Cinémathèque française a proposé
une rétrospective des films de Michael Snow en |