ANNETTE MESSAGER
« HORS JEU »
Du 8 novembre 2002 au 27 janvier 2003, le Musée des
Beaux-Arts de Nantes
présentera une exposition d'oeuvres récentes d'Annette
MESSAGER conçues
spécialement pour le lieu.
Annette MESSAGER est considérée aujourd'hui, au
plan international, comme
une des artistes les plus importantes de sa génération.
Les développements
artistiques de la décennie écoulée ont donné
à sa démarche une pertinence
toute particulière et nombre de jeunes créateurs
ont revendiqué son oeuvre
comme une référence majeure. L'actualité
et l'acuité de ses recherches ont,
de plus, été illustrées récemment
par sa présence remarquée à la XIème
Documenta de Kassel.
De la même veine d'inspiration que la manifestation
allemande, l'exposition
de Nantes s'attachera aux préoccupations très actuelles
d'Annette Messager,
son travail se polarisant depuis quelques années sur la
mise en scène à la
fois ludique et grave de l'état de la société
contemporaine, via le monde
animal comme métaphore de l'humanité.
De fait, les animaux ont toujours occupé une place particulière
dans
l'univers d'Annette Messager. Dès ses premières
oeuvres, Les Pensionnaires
(1971-72), elle convoque plusieurs dizaines de moineaux naturalisés
qu'elle
emmaillote dans des gilets de laine pour mimer les étapes
marquantes de
l'éducation des enfants. Substitut de l'être humain,
l'animal constitue dans
l'univers de l'artiste sa représentation fétichisée
avec laquelle elle
accomplit toutes sortes de rites qui forment comme autant de
démarquages
ironiques ou oniriques -voire phantasmés- des rituels
sociaux. C'est
précisément sous le jour du phantasme que les animaux
réapparaissent
quelques années plus tard avec Les Chimères (1982-84).
Constituées de
photographies de fragments de corps, agrandies, peintes, ces
images sont
découpées suivant des formes évoquant notamment
un bestiaire effrayant
composé d'araignées, de serpents, de chauves-souris
... Monstre de film
d'épouvante, attraction foraine, vision de cauchemar,
l'animal se présente
ici telle une créature hybride, mi-homme mi-animal, foncièrement
effrayante.
L'artiste lui confie la tâche d'illustrer la part obscure
de l'être qui
apparaît dans les désordres de la nuit et de l'inconscient.
Toute autre est la place donnée aux animaux en peluche
qu'Annette Messager
commence à utiliser en 1988 avec une série de travaux
intitulée Mes petites
effigies. Evoquant très directement le monde de l'enfance,
les vieilles
peluches que l'artiste modifie en opérant des greffes
de toutes sortes,
deviennent de ce fait de véritables gris-gris, dotés
chacun d'un pouvoir
spécifique.
Au fil des années 1990, l'artiste développe, enrichit,
ce nouvel alphabet
formel, constituant peu à peu une ménagerie grotesque
qui tient tout à la
fois d'une cour des miracles, d'un théâtre inquiétant
et dérisoire de
pantins de tissus, et d'un univers bizarre où d'étranges
effigies miment une
humanité dégénérée.
Annette Messager, qui s'est voulue conteuse, truqueuse, colporteuse,
etc...
qui a joué et sur joué les aliénations de
la condition féminine dans la
société contemporaine, qui se glisse avec autant
d'aisance dans la peau de
l'ingénue que de la sorcière, est aujourd'hui une
chroniqueuse aiguë des
désordres du monde.
Sous couvert de pantomimes dérisoires, elle dépeint
la barbarie du quotidien
où se croisent génocides humains et massacres de
vaches folles,
manipulations génétiques et greffes en tout genre.
Son bestiaire, qui n'est
pas uniquement animalier, constitue le miroir déformant
qu'elle nous tend,
où se réfléchit l'image grimaçante,
drôle et pathétique d'une humanité
coupée de ses racines et hors de ses repères. Entraînée
dans une course
frénétique aux plaisirs et aux profits, sans égard
vis-à-vis de son milieu
originel, elle va, dans une danse macabre, grotesque et terrifiante,
à sa
perte.
Un catalogue sera publié à l'occasion de l'exposition
(éditions Acte Sud).
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