Jochen Gerz
The French WaII
"The French Wall", 1974-75
- La dernière fois que l'oeuvre de Jochen Gerz s'est trouvée
au centre du débat public, c'était à l'occasion de
l'édification de monuments et mémoriaux assez inhabituels.
Un projet artistique abandonné à la désolation reprenait
du même coup un sens nouveau. La population était impliquée
activement dans le processus de réalisation. Derrière une
telle démarche se cachait une conception d'un art qui ne propose
pas d'oeuvres terminées, mais dont le thème central est bien
le questionnement. Les travaux réalisés dans des lieux publics
à partir de 1986 présentent ainsi une étroite filiation
avec les premières actions de rue organisées par l'artiste
à partir de 1968.
-
- Ainsi notre exposition jettera t-elle un regard rétrospectif
sur la période des débuts, relativement peu connue. A l'époque,
la motivation de base s'apparentait à une méfiance fondamentale
envers l'art et le rôle qui lui était assigné, et qu'il
continuait d'endosser sans se remettre en cause. Cette attitude contestataire
se manifesta d'abord par toute une série d'interventions de rue
qui faisaient suite aux événements parisiens de mai 1968.
Elle trouva ensuite une expression plus codée dans la première
oeuvre majeure, à savoir les 88 éléments qui composent
The French WaII (1968 à 1975), dont l'argumentation se déploie
avec virtuosité sur trois plans artistiques: par des textes, des
photos et des objets. The French Wall devint ainsi une sorte de
journal mural de l'artiste dépourvu de tout message idéologique.
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- Pourtant, envisagé dans la perspective du travail actuel de
l'artiste et des interrogations qu'il lance sur la scène publique,
The French WaII se montre précisément sous un jour
neuf. Lorsque Jochen Gerz proposa donc de réunir à nouveau
cette oeuvre précoce et complexe et d'en interroger l'actualité,
il éveilla immédiatement notre intérêt et notre
curiosité : personne n a encore pu voir ce travail, pourtant Si
souvent cité, sous sa forme achevée.
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- The French Wall est un carnet personnel visuel, qui porte notamment
sur les années 1971 à 1975 (peu de travaux remontent à
la période de 1968/70). Gerz habitait à l'époque -
depuis 1972, en fait - à Prément, dans l'Aisne, région
rurale aux confins de la Champagne, après qu'il ait choisi de prendre
ses distances avec la métropole parisienne. Par un travail attentif,
digne d'une étude de laboratoire, il s'intéressa alors aux
fondements mêmes de la nature équivoque de l'art.
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- Par rapport aux actions et interventions en extérieur qui avaient
précédé, la période de Prément marqua
une mutation vers l'intérieur. Les étapes élémentaires
du quotidien furent réexaminées par une société
civile pour l'étude pratique de la vie quotidienne", où
les enfants disposaient d'un droit de vote à part entière.
La "Province pédagogique" proposée par le roman
de Rousseau l'Émue, certainement le manifeste antiautoritaire
le plus ancien, retrouvait alors une nouvelle jeunesse. De même,
le Barkenhof cher au réformiste Vogeler pourrait être
cité également comme modèle pour cette "société"
- on évitait soigneusement le terme de "commun". Il s'agissait,
- d'après les statuts, que l'on pourra consulter dans l'objet #
15 de The French WaII - de la "négation exemplaire de
la société". Là résiderait, pour la créativité,
le seul espace d'expression encore possible au milieu des champs d'influence
des idéologies dominantes.
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- Les 88 pièces deThe French Wall font appel à écrit,
au texte, à la photographie, à des objets trouvés
et à des masquages en couleur négative opaque, organisées
en une constellation toujours changeante. D'une oeuvre à l'autre
apparaissent de nouveaux recouvrements et collages qui, par leur accumulation
encyclopédique, constituent aussi un persiflage de cette philosophie
française de la vie qui veut qu'à chaque question artistique,
il corresponde une règle, à chaque interrogation vitale une
réponse rationnelle. On peut ainsi voir dans The French WaII
un immense panneau d'affichage couvert de commentaires, de gloses et
d'observations sur l'art et l'histoire du quotidien, avec une référence
toute particulière à la France.
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- La fraîcheur de cette oeuvre précoce est restée
intacte jusqu'à aujourd'hui. Une grande liberté transparaît
dans l'expérimentation et l'exploration. Les filiations artistiques
s'entremêlent. On reconnaît ici pour la première fois
les principaux germes de l'oeuvre ultérieure de Jochen Gerz. Des
perspectives s'ouvrent sur des voies futures, mais l'on découvre
aussi des pistes interrompues qui ne seront pas explorées plus avant.
Malgré la simplicité du support artistique, la complexe stratification
de la "recherche d'indices" - ce terme de l'archéologie
et de la criminologie a été introduit à cette époque
en histoire de l'art - est remarquable. Précisément à
cause de cette méfiance envers les médias et les images,
ceux-ci se trouvent accouplés et opposés ici d'une manière
peu conventionnelle, assemblés en des montages et des combinaisons
inhabituels. Le scepticisme envers les pratiques artistiques conventionnelles
lui insuffle une inspiration particulière. Les consciences désormais
submergées, depuis ces dernières années, par des médias
toujours renouvelés, cette méfiance retrouve aujourd'hui
une vitalité nouvelle - raison pour laquelle il nous semble précisément
que cette oeuvre précoce de Jochen Gerz recouvre maintenant toute
sa vitalité.
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- Après la première présentation de l'oeuvre en
1975/76 au Badischer Kunstverein de Karlsruhe, au Musée wilhelm
Lehmbruck de Duisburg et au Kunstverein de Brunswick, The French Wall
s'est encore enrichi de 16 nouvelles pièces (le catalogue de
1975/76 comprenait 72 pièces). Mais I oeuvre s est trouvée
progressivement démembrée par la vente de certaines pièces
à des musées et des collectionneurs. Après de difficiles
recherches, nous l'avons reconstituée pour cette exposition. Dans
six cas, nous n avons pu parvenir jusqu'aux oeuvres que nous désirions
et nous devrons donc nous limiter à des copies. Pour le catalogue,
nous avons dû nous contenter, pour les oeuvres indisponibles, de
reproductions en noir-et-blanc et non pas en couleurs - à une exception
près (# 32). Mais il ne s'agit pas moins de la première publication
complète de The French WaII. Le catalogue qui accompagnait
l'exposition Karlsruhe/Duisbourg/Brunswick se limitait à quelques
illustrations en noir-et-blanc. La présente coopération entre
musées allemands et français se veut également le
reflet de la réalité binationale de Jochen Gerz, tant dans
son travail que dans Sa vie.
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- Les motifs qui ont poussé nos trois institutions à cette
présentation commune du French Wall sont très variés
: Le Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg - qui n'est certes pas un
musée d'art contemporain - attache cependant une grande importance
à la présence de contemporains, surtout lorsque, comme Jochen
Gerz avec The French WaII, ils posent la question fondamentale de
l'image et ouvrent, depuis le présent, de nouvelles perspectives
d'accès aux oeuvres historiques.
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- Le Kunstmuseum de Dûsseldorf peut s'enorgueillir de collaborations
multiples avec Jochen Gerz et dernièrement en 1991 à l'occasion
de l'exposition Bren npunkt Dùsseldorf 2. Quant au Musée
d'Art Moderne de Saint-Étienne, il entretient depuis longtemps déjà
des relations avec l'artiste: en 1975 y fut organisée une première
exposition consacrée entièrement à Gerz, suivie d'une
deuxième en 1988.
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- Par ailleurs, le Kunstmuseum de Dûsseldorf et le Musée
d'Art Moderne de Saint-Étienne possèdent - ce dernier depuis
la donation et le dépôt de François et Ninon Robelin
-d'importants éléments de The French WaIL
-
- Avant propos du catalogue.
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