Viktor Pivovarov
SONIA et les ANGES
" Massif de fleurs au soleil "
L'oeuvre de Viktor Pivovarov revet un caractère unique. C'est
par l'association de mots et d'images et la création de séries
accompagnées d'une dimension poétique que se distingue nettement
l'artiste.
Cycle journal d'un adolescent
© La Terrasse
Au travers d'images et de mots -une réminiscence de scènes
mentales qu'il a vécues ou forgées- il tente d'exprimer l'invisible.
La signification première des mots (inscriptions, explications, légendes)
n'est pas poétique ou informative. Ses peintures et dessins ne procèdent
pas d'un style purement représentatif ou mimétique c'est-à-dire
qui imite. Pivovarov emploie toujours le moyen d'expression le mieux à
même de traduire son état d'esprit.
Né en 1937 à Moscou, Viktor Pivovarov fait partie des représentants
et fondateurs de marque de la première vague de l'école conceptuelle
de Moscou, laquelle regroupait également llya Kabakov, Oleg Vasilyev,
Erik Bulatov et Eduard Gorokhovski. La pensée existentielle, qui
à l'époque touchait à sa fin en Occident, était
encore solidement ancrée dans les pays de l'est en meme temps que
dotée d'aspects très spécifiques. Au contact de Moscou,
elle se trouva modifiée par un phénomène que Pivovarov
a qualifié d "air métaphysique" et qui, selon lui,
était alors presque palpable. Le sentiment d'impasse et le lent passage
du temps ont engendré une façon quelque peu différente
de penser et d'imaginer. Kabakov et Pivovarov sont à l'origine d'un
genre visuel particulier qu'ils ont appelé l' "album".
Les séries de feuillets permettaient de conserver la "documentation"
d'une histoire complétée d'un texte qui se construisait lentement.
Ce système centré sur le langage est profondément enraciné
dans la culture et la pensée russes et participe d'une manière
importante à leur spécificité. La combinaison de mots
et d'images, suivie de la compilation de feuillets individuels en albums,
constituait non seulement la création d'un genre nouveau en dépassant
l'aspect purement visuel et pictural pour aller vers une conceptualisation
de l'expression, mais conférait simultanément une dimension
temporelle à l'uvre. Cet eflet était atteint grace à
la présentation traditionnelle: des feuillets volants tournés
lentement devant des spectateurs.
Ils ont bien mangés, puis ils ont mis
de la musique et ont dansé.1992 - 1995.
© La Terrasse
En 1982, Viktor Pivovarov s'installe à Prague. Durant les premières
années, après avoir quitté son environnement natal,son
oeuvre affiche une certaine hésitation en raison du contexte culturel
et historique complètement différent dans lequel il se trouve
alors. Ce n'est qu'à la fin des années 80 qu'il reprend confiance
dans la poursuite de son oeuvre d'une manière qui le satisfait. ll
crée plusieurs séries qui développent le principe de
l'album. La relation entre le mot et l'image oscille entre la négation
et la correspondance de ce qui est dépeint et ce qui est dit. Dans
des cas extrêmes, la surface de l'image contient le terme lui-même,
la phrase qu'il faut percevoir au sens purement conceptuel: la série
"Unlimited Possibilities of Painting" de 1992. A l'inverse, nous
trouvons la série "Still Lifes", 1987-1993 dans laquelle
la tautologie n'est pas le texte, entièrement absent, mais la production
même d'images banales aux motifs mille fois répétés.
Dans la plupart des autres séries telles "The Time of The Rose",
1988, "Diary of a Teenager", 1986-1988, "Agent in Norway",
1993 ou "Flat No. 22", 1993 -1994, la relation légèrement
controversée ou intentionnellement paradoxale entre le mot et la
peinture ou le dessin constitue une tentative d'immixtion dans l'interstice
dans lequel la réalité représentée par des mots
ou l'image est niée ou du moins remise en question. Dans les dernières
séries plus particulièrement sauf pour "Flat No. 22",
discrètement nous sommes amenés sur le terrain neuf d'un jeu
subtil de significations indistinctes et indifférenciées.
Son thème est tout à la fois la question de l'identité
ainsi qu'une réflexion individualiste du monde en pleine mutation.
D'après Petr Nedoma |