[ FRAC Limousin ]

 

allen ruppersberg
"one man show"

Après William Wegman, Douglas Huebler et Robert Cumming, le FRAC Limousin poursuit son exploration de la scéne artistique de Los Angeles depuis le début des amnnées 70.

Allen Ruppersbcrg est né en 1944. Il vit et travaille à New York et Los Angeles, où il vient faire ses études au Chouinard Art Institute. Chouinard est un lieu de passage quasi obligé pour les dessinateurs des studios Disney. Ruppersberg, comme Ruscha, qui quitte cette école en 1961, se destine alors à une carrière dans l'illustration ou le cinéma d'animation. Cependant il a parmi ses professeurs des artistes éminents et charismatiques comme Robert Irwin. Quand il obtient son diplôme en 1967, il est peintre mais une exposition de Frank Stella vue au Pasadena Art Museum, le convainc d'explorer d'autres voies.
Il se livre alors à des expériences diversifiées, utilisant texte et photographie. Il publie quelques livres d'artistes. En 1969 et 1971, il crée successivement un bar et un hôtel (Als' Café et Als' Grand Hotel), qu'il conçoit comme des expériences artistiques " relationnelles "(selon une terminologie très actuelle), fondées sur les contraintes commerciales ordinaires. Ruppersberg cherche des solutions pour gagner sa vie, il souhaite aussi procurer un point de ralliement pour la faune artistique de Los Angeles. désorientée par l'absence d'équipements culturels où dialoguer. Comme ses amis Bas Jan Ader, Ger van Elk. Terry Allen, Ruppersberg est fasciné par sa ville adoptive et son oeuvre se confond avec elle. En 1969, par exemple, a l'occasion de sa première exposition personnelle, le public de la galerie Eugenia Butlers, y découvre un simple bristol l'invitant a rejoindre un point éloigné de la banlieue : où les plus persévérants pourront trouver une installation conçue spécifiquement pour ce site. Plusieurs des images qu'il produit alors ont rapport avec la notion de limite où s'arrête et où commence la ville ? Ces limites ne sont-elles pas avant tout, chaque fois, les limites d'un environnement culturel particulier ?

allen ruppersberg

The Gift and Inheritance, 1989, coll. FNAC,
Ministère de la culture, ph. court. Gorney Bravin + Lee, NYC


A l'instar de celles de Ruscha, Baldessari et Wegman, l'oeuvre de Ruppersberg apparaît à la fin des années 60 comme une alternative au Pop Art et à l'Art Conceptuel dans le contexte excentrique de la côte californienne. Mais elle revendique sans complexe l'héritage surréaliste et, plus proche, celui de la Beat Generation et des assemblagistes, Wallace Berman et Edward Kienholz notamment.
Sans lien direct avec le Narrative Art, son choix de la fiction et ses sources littéraires en font un artiste original, à la fois metteur en scène, protagoniste et simple figurant d'une mythologie individuelle discrète et souvent dérisoire pour laquelle il s'invente plusieurs pseudonymes, dont celui d'Al Reed, écrivain fictif. (L'artiste peut aussi se dissimuler sous les traits de Bugs Bunny, de Barney Bear ou de Dorian Gray...)

Son oeuvre oscille entre un ancrage assumé dans la low Culture américaine et des références récurrentes à la grande littérature cf. son installation Low to High. D'un côté, le registre de la pulp fiction, qui regroupe récits sentimentaux, aventures, policiers, western, science-fiction ou horreur... De l'autre, les grands auteurs de la littérature. française souvent, Maupassant, Baudelaire. Gide, Valéry, et un intérêt personnel très prononcé pour le surréalisme et ses écrivains cultes, Raymond Roussel, André Breton... Ainsi se manifestent les deux facettes, apparemment contradictoires, de l'oeuvre et du personnage ses racines américaines et son intérêt pour les productions artistiques et littéraires du vieux continent. Un art du mélange (conforme aux valeurs du melting-pot américain), et une orientation résolument littéraire (tout ce que les américains reprochent â l'art français).

Ruppersberg se reconnaît volontiers la naïveté de vouloir arrêter le temps. Plusieurs de ses oeuvres récentes jouent le rôle de mémorial. Sa démarche est profondément nostalgique et beaucoup de ses titres se conjuguent au passé. Son atelier est organisé autour de ses collections de livres illustrés bon marché des années 40-50, de disques vinyles, d'affiches, de coupures de journaux, de photos de cinéma, de films éducatifs.. - où il puise la matière d'un certain nombre de ses projets comme Joseph Cornell, autre surréaliste américain (de la première génération, celui-ci) marqué par la tentation du cinéma.

Réunissant photos, dessins et installations, l'exposition est construite autour de la relation entretenue par l'artiste avec le livre, omniprésent, dans sa vie et dans son oeuvre, soit sous la forme de citation directe, Soit par la confrontation physique au livre pris comme objet, à l'instar de ces dessins minutieux exécutés d'après nature en une durée voisine de celle requise par la lecture du livre concerne.

Frédéric PAUL