[ FRAC Limousin ]

 

Hubert Duprat

 

L'oeuvre de Duprat se déploie depuis 1980 sur toutes sortes de supports et du plus petit au plus grand format. L'artiste en contrôle régulièrement le développement au fur et â mesure de la publication d'un catalogue raisonné, dont le troisième volume vient de paraître, et dont le projet a largement motivé la mise en chantier de nouveaux travaux. Roland Recht y dresse justement un portrait mélancolique de l'artiste qu'il conviendrait d'accrocher entre la bibliothèque, l'atelier et le cabinet de curiosités. Si, en effet, la production de Duprat s'est faite assez parcimonieuse pendant quelques années, son oeuvre n'en est pas moins fortement marquée par la manie du collectionneur de livres, de pierres, de curiosités naturelles, d'oeuvres d'art (les siennes et celles d'autres artistes, obtenues par voie d'échanges) et enfin d'observations diverses, comme celles qu'il a pu faire jadis en archéologie.
Cette propension à amasser choses ou considérations est bien sûr à mettre en rapport avec le désoeuvrement saturnien que décrit Recht. Et elle inspire sans doute le recours quasi systématique de l'artiste soit à des matériaux précieux soit a une échelle monumentale.
Car, que l'on se penche sur l'étui fait de paillettes d'or, de perles, de turquoises et d'autres pierres précieuses concocté par la larve aquatique dont Duprat fait son ouvrière, ou que l'on contourne, qu'au besoin l'on enjambe, tel important tronc d'arbre, couché au sol, et dont la surface a été criblée de clous de laitons jusqu'à saturation, chaque sculpture, procède, chez Duprat, d'une forme particulière et maniaque de collecte puis d'accumulation avant de se constituer comme entité.

Une entité, oui qui, additionnée à d'autres entités, constitue l'un des chapitres d'une encyclopédie subjective à poursuivre et dont le but rejoint celui de la collection. D'où cette apparence d'éclectisme, peut-être, et surtout ce sentiment que ce qui est fait est fait, qu'il n'y a pas lieu d'y revenir, quelle que soit la reproductibilité de chaque oeuvre. La plupart de ces sculptures recourent justement à des techniques artisanales éprouvées et à forte connotation décorative, comme la marqueterie, qui parcourt tout le catalogue de Duprat : des oeuvres
éponymes, de 1986, (introduisant écaille de tortue ou nacre, ébène, Ivoire ou fanon de baleine dans du vulgaire contre-plaqué, teint différemment pour chacune de ces versions) aux Entrelacs de fil de laiton pris dans le plâtre, de 1992-1994, à La montagne, de 1993-94, où coudoient béton et marbre rose d'Iran.

L'idée d'une collection, ainsi conduite, et c'est l'ironie de cette aventure, confine à la chimère du chef d'oeuvre inachevé. Et elle s'accorde, en lui faisant suite, avec cette conception mythologique de l'atelier d'artiste, à laquelle Duprat s'est accroché obstinément jusqu'au spectaculaire plan de béton incliné qu'il présenta à la Biennale de Lyon 1991, et où, reprenant la méthode et la technique déclinées dans plusieurs de ses installations, la figure de l'atelier cesse d'être explicitement scandée.

Jusque-là, et même s'il évolue, de la représentation photographique, allégorique à l'axonométrie, l'atelier,
s'impose, se surexpose avec arrogance. Après cette période, il perd sa dimension extravertie ou fictionnelle, il ne se montre plus et l'artiste peut y retourner, à l'abri, pour y vivre, recevoir, parcourir les volumes de sa bibliothèque et, à l'occasion, pour travailler à de nouveaux projets les concevoir et, peut-être, les exécuter.
Jusque-là, Duprat produit des images. Dés lors, il produit des objets, des objets précieux et anachroniques, tirant une partie de leur densité ou de leur pouvoir d'attraction des matériaux utilisés ou de certaines recettes en usage, par exemple, dans les 'travaux manuels".
Ainsi ont vit le jour en 1998, des projets de 1995 à 1997, faisant appel à des palets d'ambre irréguliers, Nord, à des plaquettes d'os, A la fois, la racine et le fruit, à des galets polis, Le pire, ou à la technique infantilisante du tableau de fil.

Frédéric PAUL


L'exposition réunira des travaux réalisés au cours des dix dernières années. Elle est coproduite avec le Musée Picasso d'Antibes et le MAMCO, Genève.


1) (détail) Coupé-cloué, 1991-94, bois et clous de laiton, chaque 500x50x50cm.
Ph.Frédéric Delpech

2) Le Pire, 1996-98, Musée Picasso, Antibes, Ph. C. Germain