Centre Régional d'Art Contemporain Languedoc-Roussillon

 

 NOS TROUBLES

du 15 novembre 2002 au 12 janvier 2003

 

Adel Abdessemed
Saâdane Afif
Pierre Ardouvin
Lilian Bourgeat & Philippe Vuillemin
Valérie Du Chéné
Malachi Farrell
Chourouk Hriech
Michèle Lechevalier & Fabien Friederich
Cécile Noguès
Nathalie Rao
Sabdam

 

Nos troubles
Le titre questionne le vocabulaire et les différentes formes de prises de paroles. Il joue sur les
registres de l'écrit, de l'oral et des rapports qu'ils entretiennent. Ce jeu de malentendus rejoint
la proposition de l'artiste Adel Abdessemed et le titre de l'oeuvre qu'il propose pour l'exposition : " mal vu ".
L'utilisation du vocabulaire prend sens à partir d'un contexte précis.
Que voit-on ?
Deux photographies .
Celle d'une femme, plus précisément celle d'une religieuse appartenant à la communauté
franciscaine, qui mendie dans le métro new-yorkais. Les usagers passent sur des escaliers roulants autour de cette figure solitaire, et derrière une immense horloge : " time is money ".
Puis, un cadrage ou un recadrage, fait apparaître un détail comme un élément central. La vue se focalise alors sur le geste, la main tendue, l'argent dans cette main et une médaille religieuse.
Ces deux photographies présentées dans un encadrement doré prennent alors un statut d'icône. Une icône qui prend place dans l'histoire des vanités. Le traitement de l'éclairage de la salle d'exposition compose avec les photographies un espace de méditation qui peut faire basculer la lecture vers une sorte de filiation caravagesque et son héritage scandaleux. Le code de ces images s'inscrit dans l'histoire de l'art occidentale, issue d'une culture dont le socle s'origine dans l'iconographie commandité e par le pouvoir religieux. La vanité s'apparente également à la lignée d'une poétique épicurienne et humaniste qui pose comme fin, la destinée de chacun .
Quelle analyse peut-on faire de cette proposition aujourd'hui ? Quelle place fait-on à la religion à un moment où la croisade religieuse est à nouveau revendiquée ?
Cette religieuse est-elle la réaffirmation d'une communauté religieuse, bloc solidaire allant
jusqu'à la passion fanatique, face à l'hérésie des cultures mécréantes.
" Mal vu " d'Adel Abdessemed témoigne des paradoxes de cette situation, et renvoie à ce qui est revendiqué ainsi qu'à ce qui est présenté.

Cette oeuvre née de l'après 11 septembre est exemplaire de la situation artistique dans laquelle souhaite se positionner l'exposition " nos troubles " et quels en sont ses enjeux . Les artistes invités affirment une prise de position avec des repères très lisibles où le non-sens parfois convoqué ne fait que renvoyer un miroir à la paranoïa ambiante , la peur et le repli identitaire.
Revendiquer une position d'artiste en tant qu'être à part entière, c'est accepter les débordements et refuser l'instrumentalisation de l'oeuvre, tel un produit qui se rajouterait aux productions d'un système de libre échange où la forme s'autocensure pour ne pas déranger le cadre du marché.
Ainsi Chourouk Hriech utilise le dessin pour échapper au médium vidéo, trop lisse, de son point de vue, aplatissant ses propos qui ne le sont pas. Malachi Farrell revendique la production de pièces encombrantes parce que difficile à assumer par l'institution . Il pousse les possibilités jusqu1à leurs limites , bricolant les nouvelles technologies avec la virtuosité d'un activiste autonome. Au-delà de l'immédiateté , sa pratique procède d'une économie cherchant une alternative au système libéral . Pour ne citer que quelques oeuvres et démarches présentées à l'exposition " Nos troubles ".
Les douze artistes invités ne répondent pas à un mot d'ordre ou à une commande qui rentrerai dans le cadre d'un texte programmatique . Le temps de l'exposition laisse ouverte la porte à l'urgence des situations de chacun et fait confiance aux oeuvres que les artistes ont besoin de produire ou de montrer à Sète. Le centre d'art de Sète leur permet d'expérimenter véritablement grâce au respect et l'attention remarquable que son équipe porte à la création vivante.

Lise Guéhenneux