[ bagatelle ]

 

Frans Krajcberg à Bagatelle

 

 

L'exposition de Frans Krajcberg qui se déploie actuellement dans le parc de Bagatelle est un hymne à la vie. Affrontant la destruction, l'artiste réinvente la nature, donne une existence nouvelle à la forêt assassinée d'Amazonie.
Né en Pologne en 1921, Frans Krajcberg a combattu dans l'armée polonaise pendant la seconde guerre mondiale, durant laquelle toute sa famille a péri dans le ghetto et les camps de concentration. Son oeuvre, après la guerre, est à l'image de la désolation du monde : grise, sombre, désespérée. Ses études à Stuttgart, puis son séjour à Paris, où il se lie avec Léger et Chagall, n'atténuent pas sa douleur. La ville lui est insupportable, et il décide de partir pour le Brésil. Là, il découvre la forêt amazonienne et sa peinture s'éclaire. La végétation devient sa source d'inspiration. Mais le feu et la destruction attaquent la forêt brésilienne. Les promoteurs sans scrupules planifient une déforestation massive, incendient, exterminent les arbres. "En mémoire de [s]es parents, qui sont aussi devenus des morceaux de charbon", Frans Krajcberg veut crier sa révolte, montrer au monde la forêt détruite.
Artiste et militant, il recueille les fragments de bois brûlés, et fonde un musée écologique dans l'état de Bahia. Avec des pigments purs, qu'il prélève lui-même dans la terre, l'artiste donne une vie nouvelle aux arbres morts, crée une mémoire de la nature. Son rôle, montrer, montrer toujours, se battre pour la sauvegarde de l'Amazonie.
Du "Manifeste du Rio Negro" écrit avec Restany, à ses installations végétales, toute l'oeuvre de Frans Krajcberg est un cri, le cri d'un regard qui tente de sauver la vie, de transmuer la destruction en beauté.

Anguéliki Garidis