Jeu de Paume

 

 Lee Ufan

 

 

La Galerie nationale du Jeu de Paume présente une exposition consacrée à l'artiste coréen Lee Ufan. Conçue comme une mise en regard entre des peintures très récentes et les premières sculptures de l'artiste, elle propose de pénétrer au coeur des préoccupations de l'oeuvre, dans sa quête d'un territoire plastique où s'expriment, sans se contredire, la sensibilité traditionnelle de l'Orient et la modernité de l'Occident. Trente peintures, réalisées entre 1995 et 1997, accompagnent dans ce parcours cinq grandes sculptures, datées de 1968 à 1977, ainsi qu'une série de travaux très récents sur papier.


correspondance, 1994
phot.D.R./Jeu de Paume

 

L'artiste

Lee Ufan est, sans aucun doute, l'un des artistes coréens les plus connus sur la scène internationale et, depuis de nombreuses années, son oeuvre est exposée dans le monde entier.

Né en Corée du Sud en 1936, il y reçoit, dès son plus jeune âge, une éducation artistique et littéraire très complète qui développe sa sensibilité et son attention au monde des formes

A l'âge de vingt ans, il décide de quitter la Corée pour le Japon où il vit toujours. Il étudie alors la philosophie à l'université, mais les difficultés rencontrées avec la langue japonaise, qu'il maîtrise mal, le conduisent à s'exprimer par le moyen de la peinture. Dès 1962, il expose ses oeuvres et participe activement à la vie artistique contemporaine japonaise.

C'est en 1968 qu'ont lieu plusieurs rencontres décisives avec d'autres artistes japonais, tels Sekine Nobuo ou Yoshida Katsurô. Avec eux, il constitue le groupe Mono ha*, dont il devient rapidement le théoricien, mettant ainsi en oeuvre sa capacité à traduire par le concept son propre travail, mais aussi celle des artistes avec lesquels il a développé des liens.

Ce mouvement, actif en tant que groupe principalement entre 1968 et 1970, proposait une interrogation sur les fondements même de l'art et en particulier de l'art contemporain qu'est ce que produire une oeuvre ? Quel est le sens de l'art aujourd'hui ? Quelle est la place occupée par les matériaux? Des réponses diverses et complémentaires furent apportées par les artistes du groupe mais, toujours, les artistes du Mono-ha firent preuve d'une grande économie de moyens et portèrent une attention toute particulière aux problèmes de la relation entre matériaux, geste et espace. Leur utilisation des matériaux bruts (terre, bois, métal, papier, pierre, coton...) et leurs arrangements en installations provisoires, rompt avec le développement de l'art japonais des années 60, marqué par les happenings Néo-Dada puis par l'emploi de la technologie et l'utilisation des objets industriels. Au même moment, en Amérique et en Europe, le Land Art, l'Antiform, le Minimal Art, l'Arte Povera ou Support-Surface se développent et créent des prolongements qui renforceront l'actualité et la pertinence du travail des ces artistes.

En 1971, les oeuvres de Lee Ufan sont présentées en France, à la Biennale de Paris. cette exposition, qui montre pour la première fois certains artistes du Mono-ha en Europe, sera déterminante pour l'évolution de son oeuvre. Par la suite, Lee Ufan réalise de très nombreuses expositions dans le monde : il est présent à la Documenta VI de kassel en 1977, il participe à toutes les expositions anthologiques sur le Mono-ha - dont la plus récente s'est tenue en 1996 au Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne - et son oeuvre fait l'objet de nombreuses expositions personnelles.

 

* Mono-ha peut se traduire par Ecole des choses. En japonais, Mono signifie une chose physique, concrète le suffixe -ha désigne une école, un mouvement.

A l'origine, le groupe était constitué des artistes suivants Koshimizu Susumu, Lee Ufan, Narita Katsuhiko, Sekine Nobuo, Suga Kishio et Yoshida Katsurô.


relaium, 1968
metal, verre et pierre - 50 x 140 x 180 cm
Col.de l'artiste, Tokio - phot.D.R./Jeu de Paume

Les peintures

Dans ses peintures, Lee Ufan place toujours le geste en évidence, produit de la relation tendue créée entre la toile blanche et l'artiste. La trace de pinceau, sa répétition qui en provoque l'effacement, son mouvement, totalement maîtrisé ou apparemment aléatoire, sont autant de traits d'union tracés entre l'oeuvre et le monde. Nommée

Correspondance » pour la relation qu'elle engage avec son environnement spatial et temporel, chaque oeuvre pose le problème de l'espace vide et de l'espace occupé, du fait et du non-fait, de la présence et de l'absence. Chacune d'entre elles place le regardeur face à sa propre capacité d'émotion et d'expression.

Mais l'oeuvre de Lee Ufan, Si elle est traversée par le recours permanent au vide, diffère profondément du sens dont l'espace vide est investi dans la tradition picturale extrême-orientale. Ses peintures n'expriment pas un sentiment contenu dans les points, les lignes ou les traces qui les composent, mais s'affirment surtout comme un tissu de relations lucides et claires créé par l'artiste entre son aftitude face au monde et un geste maîtrisé et défini, proposant une oeuvre ouverte dans laquelle le spectateur peut voyager mentalement en toute liberté.

 

Les sculptures

Pour Lee Ufan, Si la peinture engage essentiellement une relation au temps, la sculpture, par contre, s'adresse à l'espace. Elle trouve tout autant son sens dans la rencontre qu'elle provoque avec le lieu qui l'accueille que dans la mise en évidence des rapports aigus entre les matériaux qui la composent, le lourd et le léger, le naturel et le manufacturé, le limité et l'illimité...

Dès 1972, toutes ses sculptures seront nommées &laqno; Relatum », affirmant ainsi leur champ d'action spécifique et la prise en compte de leur environnement.

Cette rencontre, tout comme la relation ambiguë entre des matériaux qui s'opposent, telle celle de la pierre, rugueuse et tourmentée, avec la plaque de métal lisse et géométrique, renvoie au face à face originel de la Nature, dans sa toute première matérialité, avec l'objet conçu par la main de l'homme, devenu ainsi le maître de sa forme.

Une oeuvre n'est pas l'exposition d'un ensemble préconçu de questions et de réponses. Ma pensée constitue un univers trop infime et limité pour que le souhaite le formuler visuellement. L'acte de création me sert par contre à rentrer en contact avec un monde beaucoup plus vaste, à attirer un air extérieur incertain. il ne s'agit donc pas pour moi de réaliser des objets fermés sur eux-mêmes, mais plutôt de trouver une méthode pour édifier un lieu où Cet air circule bien. Ma méthode se borne à instaurer des décalages et des correspondances entre les objets et les lieux, à limiter l'acte de création pour ouvrir des interstices dans l'espace. C'est pour embrasser la nature stimulante des vides que je crée, an utilisant ma tête et en me salissant les mains. (Lee Ufan)

 

Les oeuvres de Lee Ufan sont présentes dans de nombreuses collections publiques tels le National Museum 0f Modem Art, le Ho Am Art, Museum et le Total Contemporary Museum de Séoul, les National Museum of Modem Art de Tokyo, Kyoto et Osaka, le Krôller-Mùller Rijkmuseum d'Oflerlo, la Nationalgalerie de Berlin, le Stàdtische Kunstmuseum de Bonn, la Galerie Nationale de Prague, le Museum 0f Modem Art et le Brooklyn Museum de New-York ainsi qu'au Musée National d'art Moderne de Paris.

Catalogue : Editions du Jeu de Paume/Réunion des Musées Nationaux. Textes de Daniel Abadie, Henri-François Debailleux, Michel Deguy, Michel Nuridsany, Roland Recht et Tommaso Trini. Chronologie illustrée établie par Véronique Béranger.

Le Petit Journal de l'exposition est mis gratuitement a la disposition des visiteurs.

Cycle de conférences : La situation des avant-gardes artistiques et leur contexte culturel en Extrême-Orient aujourd'hui.

samedi 6 et dimanche 7 décembre 1997 de 10h à 13h. Réservation obligatoire : 01.47.03.12.50

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