[ Galerie nationale du Jeu de Paume]

 

Bernard MONINOT

"Damru", 1994 - Acier, bronze, laiton et papier de soie, 160x23x23 cm.
Collection de l'artiste - Photo: A. Rzepka

    Depuis l'exposition de 1980 à l'ARC (Musée d'art moderne de la Ville de Paris), l'oeuvre de Bernard Moninot (né en 1949 au Fay, Saône-et-Loire) n'a pas fait l'objet de grandes présentations rétrospectives. La manifestation organisée par la Galerie nationale du Jeu de Paume souhaite montrer les développements, de 1981 à 1996, d'une oeuvre secrète qui dévoile, dans un subtil jeu d'ombres et de lumières, une méditation profonde sur la nature de l'image.

    Des premiers dessins sur verre de 1981, jusqu'aux gravures bleues indigo sur passer carbone de 1996, Bernard Moninot poursuit un travail sur le dessin qui trouve en partie son origine dans le Grand Verre de Marcel Duchamp .

     Si le principe fondateur de ses travaux est simple, leur sens est indissociable du rapport de l'artiste aux matériaux et aux méthodes mises en oeuvre. Celles-ci sont en effet toujours fondées sur une réflexion sur la nature de l'ombre, sur la transparence de la matière, sur le souci de dessiner une image qui saurait refléter le processus même qui l'a engendrée, sur le critère de visibilité de la réalité et, par extension, de oeuvre elle-même. Les peintures de verre de Moninot fixent ainsi la trace, poétique, fragile, furtive et néanmoins persistante, d'un système qui génère sa propre image pour mieux l'interroger.

"Indigo", 1989 - Poussière indigo fixée sur verre sécurit préparés, 12 éléments
225x300 cm - Collection de l'artiste - Photo: C. Gaspari



     
    Bernard Moninot travaille à partir d'objets réels qu'il fabrique lui-même et qu'il éclaire de telle sorte qu'ils projettent des ombres qui les prolongent et les complexifient. L'exposition présentera d'ailleurs l'un de ces dispositifs (Studiolo), semblable a ceux que l'artiste installe dans son atelier, et où il met en scène et en lumière certains des objets à partir desquels il travaille: roues, pelotes, fils de fer, petits objets géométriques, ainsi que des constructions énigmatiques plus complexes en acier, cuivre et laiton. Agissant comme point focal de l'ensemble de l'exposition, les situations lumineuses ainsi créées seront mises en regard des oeuvres exposées.

    Car les oeuvres de Bernard Moninot sont souvent le résultat d'un processus impliquant plusieurs étapes, qui trouve son origine dans ces installations lumineuses et leur aboutissement dans le transfert du dessin sur le verre: le dessin des ombres projetées par des objets éclaires est d'abord relève puis gravé en creux sur un panneau de bois. Dans les incisions, Bernard Moninot dépose ensuite des matières: poussière de graphite (A ciel ouvert, 1988), poussière de silice blanche (Murmure du son, 1991) ou teintée (Horizon, 1990), pigments colorés (Constellation, 1991)
    Puis, sur une plaque de verre enduite il place le panneau de bois et provoque la capture de la matière du dessin sur la surface vernie par l'effet d'un petit choc. Le transfert ainsi réalise, le verre est enserre dans un cadre en métal munie de pattes qui permettront, lors de sa présentation, de détacher l'oeuvre du mur et de générer par ce décalage de plans une ombre - positif, qui reproduit exactement le dessin de la matrice et projettera son ombre sur le mur; l'autre, en négatif, où la lumière, traversant les vides du dessin, en projettera l'image en clair.



     

"Mandawa", 1992 - Ombre portée, émail blanc sur assemblage de corde à paino
et plastique découpé 39x103x4 cm - Collection de l'artiste - Photo: A. Rzepka




    Intéresse également par l'architecture du cosmos, Bernard Moninot s'est référé, pour réaliser les dessins au lavis d'encre de chine sur papier des Baies Sombres (1986-87), à un lieu sidéral précis, situé aux abords de la nébuleuse de la Tête de Cheval. Il en a reproduit la configuration stellaire au moyen d'objets suspendus au plafond de son atelier qui sont utilisés comme modèles pour les dessins. C'est ce même principe qui est repris sur verre dans A Ciel Ouvert (1988) mais, ici, le papier est remplacé par du verre qui transforme le jeu des valeurs du dessin par des oppositions entre transparence et opacité ou lumière et ombre.

    En 1992, un procédé nouveau est à l'origine des Ombres portées, série oeuvres dont les noms évoquent les sites de mystérieux jardins astronomiques: Lodi, Mathura, Fatehpur... La, l'artiste relève photographiquement un dessin de lumière qui l'intéresse, puis réalise une structure en relief composée de petites plaques blanches découpées qui reproduisent le dessin original prélevé et lui donnent corps et volume. Accrochée sur un mur blanc et éclairée, cette structure- matrice n'a alors de sens que par l'ombre qu'elle projette; c'est, ici, la lumière, devenue ombre, qui dessine le motif géométrique.

    Dans les pièces les plus récentes (Belvédère, 1994-96; Horizon, 1996), il n'y a plus de transfert, mais une gravure directe réalisée sur un papier carbone noir dont les creux sont remplis de pigment bleu. Ces oeuvres pourraient être reliées, par leur esprit et leur mise en exergue du noir, aux Flammes solaires (1983-84. Obtenus par l'utilisation de noir de fumée et de noir de graphite, les dessins de cette série sont inspirés par un phénomène visible, sous certaines conditions, dans la couronne du soleil, et que les propriétés de chacun des noirs manifeste: le noir de fumée, mat, absorbe la lumière tandis que le noir de graphite, brillant, la réfléchit. L'on ne verrait que des rectangles noirs si le dispositif circulaire de présentation de l'oeuvre ne
    permettait aux brillances d'apparaître selon l'angle d'incidence de la lumière.

    Si dans cette série, Bernard Moninot joue de manière sensible sur la profondeur et la capacité de contraste du noir, dans ses dernières oeuvres il met en jeu des techniques plus proches d'un dessin traditionnel qui, dans les années soixante-dix, constituait l'une de ses préoccupations majeures. Reliant ainsi des moments de son travail qui pourraient nous sembler éloignés, Bernard Moninot démontre la persistance de son regard et son intérêt constant pour une visibilité circulaire.

     
    Catalogue: Textes de Christine Buci-Gludksmann et Arnauld Pierre, 96 p., 230 FF environ.

     
    Relations presse: Eva Bechmann, assistée de Maya Salem

     

Exposition organisée avec le soutien de l'Association française d'action artistique (AFAA)
UAP soutient les actions de la Galerie national du Jeu de Paume