| Kcho  Archipielago en mi pensamiento, 1997
 Phot. Pedro Abascal
 Avec la présentation d'Archipel de ma pensée,
      une oeuvre de l'artiste cubain Kcho, la Galerie nationale
      du Jeu de Paume inaugure, sous le titre Americana, un
      cycle d'expositions dédiées aux jeunes créateurs
      d'Amérique latine. Kcho (prononcez Catcho), est le premier artiste cubain, depuis
      Wifredo Lam, à susciter l'attention internationale. De
      son vrai nom Alexis Leyva Machado, Kcho - un diminutif familier
      donné par son père - est né en 1970 sur
      la petite île de la Juventud au large de Cuba. Après
      avoir étudié la peinture à La Havane, il
      se tourne vers la sculpture, préférant à
      l'artifice du tableau la manipulation de matériaux tirés
      de son environnement naturel, comme toile de jute, branches et
      feuilles d'arbres ainsi que d'autres maténaux organiques
      ou de récupération. L'oeuvre avec laquelle Kcho participe à la Biennale
      de La Havane en 1994, La Regata, évoque,
      bien que l'artiste n'entende lui donner aucun sens défini,
      le drame des boat-people cubains de 1993, et le fait connaître
      sur la scène artistique latino-américaine. Sa force
      poétique, la dimension politique sous-jacente et la maîtrise
      des moyens employés suscitent très vite un intérêt
      soutenu pour son travail, et Kcho est rapidement sollicité
      en Europe et aux États-Unis pour des expositions collectives
      ou thématiques. C'est ainsi qu'il a participé par exemple à
      l'exposition Le Cuit et le Cru au Musée
      National Centro Reina Sofia à Madrid. En 1995, il obtient
      le premier prix de la Biennale de Kwangju (Corée) et à
      Paris le prix de l'Unesco pour la promotion des Arts... Dernièrement Kcho a présenté des expositions
      personnelles au Musée d'Art contemporain de Los Angeles
      (MOCA) et au lsrael Museum de Jérusalem en 1997.
      Cette exposition à la Galerie nationale du Jeu de Paume
      est sa première présentation en France. L'oeuvre de Kcho se compose principalement d'assemblages faits
      de matériaux de récupération trouvés
      dans les chantiers de La Havane et qui rappellent le caractère
      insulaire cubain : barques, cordes, rames, et autres éléments
      suggérant la navigation, le voyage et l'abandon. Ses installations ont toujours un rapport très fort
      avec l'environnement cubain la situation de son pays géographiquement
      et politiquement isolé est une donnée essentielle
      de son travail. Les conditions économiques y font que
      rien de la nourriture à l'habillement jusqu'aux services
      publiques, n'est en permanence garanti et que tout y semble précaire.
      Le travail de Kcho établit ainsi une relation entre art,
      environnement et culture populaire, et ses installations sont
      chargées de multiples allusions, souvent d'un humour caustique,
      qui lui permettent d'évoquer les circonstances spécifiques
      de la vie à Cuba. A la différence d'autres artistes cubains qui ont émigré
      en Europe, aux États-Unis ou au Mexique, Kcho préfère
      rester à Cuba même Si la vie y est une lutte quotidienne
      mais qui laisse place à l'espoir de changements et d'un
      futur meilleur. La présentation d'Archipel de ma pensée,
      oeuvre créée pour la Biennale de La Havane
      en 1996 sera complétée d'un petit ensemble de dessins
      qui forment l'autre versant du travail de Kcho et qui sont présentés
      pour la première fois dans une exposition personnelle
      de l'artiste.Pierre Alechinsky
  Volcan aztèque (détail),
      1971, Peggy Guggenheim Collection,
 Venise © ADAGP, Paris 1998
 L'exposition Alechinsky, organisée par la Galerie nationale
      du Jeu de Paume, est la première rétrospective
      importante qui lui soit consacrée en France. Elle présente
      quelque 110 oeuvres depuis le début de son travail de
      la série de gravures Les Métiers (1948),
      bientôt suivie par ses premières peintures significatives
      en 1951, jusqu'à ses dernières oeuvres inédites
      qui concluent l'exposition. Né en 1927 a Bruxelles, Pierre Alechinsky s'est installé
      à Paris en 1951. Depuis 1963, il vit et travaille à
      Bougival, dans les Yvelines. Peintre, il est aussi dessinateur,
      graveur, lithographe, céramiste... Mais l'écriture
      a progressivement pris une importance considérable dans
      son travail, ce dont témoignent de nombreux ouvrages aux
      éditions Gallimard ou chez Fata Morgana, Galilée,
      L'Échoppe... Musicien amateur, il joue principalement
      de la flute traversière. Ses oeuvres figurent dans les collections des principaux musées
      d'Europe, d'Amérique, et de l'Asie du Sud-Est. De nombreuses
      expositions et rétrospectives internationales lui ont
      été consacrées, entre autres aux Biennales
      de Venise de 1960 et 1972, au Stedelijk Museum d'Amsterdam en
      1961, au Museum of Fine Arts de Houston en 1967, au Carnegie
      Institute de Pittsburgh en 1977, à la Kestner Gesellschaft
      de Hanovre en 1980, au Solomon R. Guggenheim Museum de New York
      en 1987 - exposition présentée par la suite au
      Des Moines Art Center (Etats-Unis) et aux Musées Royaux
      des Beaux-Arts de Bruxelles, à l'École des Beaux-Arts
      de Pékin en 1989 et au Saarland Museum de Sarrebruck en
      1993. De 1983 à 1987, Alechinsky a enseigné à
      l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de
      Paris. Lors de ses années d'études, de 1944 à
      1948, Alechinsky s'initie aux métiers du livre (illustration
      et typographie) à l'École nationale supérieure
      d'Architecture et des Arts Décoratifs de Bruxelles (La
      Cambre>. Il vient pour la première fois à Paris
      en 1948 où il montre ses lithographies dans l'exposition
      Les Mains éblouies, galerie Maeght. En 1949, à
      Bruxelles, il rencontre Christian Dotremont et adhère
      au groupe Cobra (dont le nom est formé à partir
      des initiales des trois capitales dont sont issus la plupart
      des artistes du groupe: Copenhague, Bruxelles, Amsterdam), "mouvement
      expérimental simpliste", libertaire et instinctuel,
      fondé en novembre 1948 àParis par Christian Dotremont,
      Karel Appel, Aserg Jorn, Constant, Corneille... Alechinsky prend part aux expositions du groupe, et en particulier
      à la Première exposition internationale d'art
      expérimental Cobra au Stedelijk Museum d'Amsterdam.
      "La spontanéité, rappelle à ce propos
      Alechinsky, fut le cri de Cobra, en opposition à l'automatisme
      psychique pur que préconisait André Breton avec,
      sans doute, un dépassement d'idéalisme". Il
      publie des textes dans la revue du groupe et crée une
      maison communautaire à Bruxelles, Les Ateliers du Marais,
      qui devient un centre de recherches Cobra. Ces années
      sont riches de rencontres tant à Bruxelles qu' à
      Paris: Atlan, Yves Bonnefoy, Hans Bellmer, Gaston Bachelard,
      Hugo Claus, Jean Dubuffet, Alberto Giacometti, Raoul Ubac... Après la dissolution de Cobra, dont il continuera à
      préserver l'esprit dans son oeuvre, il se fixe définitivement
      à Paris, où il rencontre Bram van Velde en 1952.
      En 1954 il peint La Fourmilière (qui sera
      achetée par le Guggenheim Museum à New York en
      1957) et tient sa première exposition personnelle à
      la Galerie Nina Dausset, rue du Dragon, dont le catalogue est
      préfacé par Dotremont en ces termes : "Il
      a quelque chose d'assez rare celui-là: il ne croit pas
      que la peinture soit plus prés de la vie Si elle s'éloigne
      de la peinture". La même année, il rencontre Walasse Ting qui
      lui enseigne la peinture chinoise. "Un large bol à
      la main (large pour faciliter au pinceau l'accès à
      la réserve de couleur), je me penche sur le papier; posé
      au sol, maintenu par quatre plombs d'imprimerie. Je me vide.
      Les lignes ont pris forme d'une gueule ouverte (...)L'air circule,
      passe par les détroits des traits interrompus". En 1955, il voyage au Japon, où l'on peint "le
      corps libre", pour y étudier la technique du
      lavis et la calligraphie. Il y tourne le film Calligraphie
      japonaise. A la suite de ce voyage, il commence à
      peindre de grandes toiles à même le sol, ainsi que
      ses premières grandes encres de Chine sur papier chiffonné
      puis marouflé sur toile. Il ne cessera dès lors de développer et d'amplifier
      dans son oeuvre une pratique libre et ouverte d'une écriture-dessin,
      rythmée et foisonnante, tracée à l'encre
      de Chine ou à l'acrylique, déployant, en volutes,
      la vivacité de la couleur ou les gris et le noir de l'encre,
      formant ainsi un langage personnel et original dont la lecture
      ne se réfère à aucune langue articulée.
      "Une ligne qui détient à la fois l'idée,
      l'hésitation, les raccourcis de la pensée et de
      la décision, l'énergie avec ses accélérations
      et ses retenues, me parle... L'exposition du Jeu de Paume montre les principales phases
      de son évolution picturale au travers d'un choix d'oeuvres,
      provenant de musées internationaux et de collections privées,
      qui ont été rarement réunies jusqu'ici. Après les eaux-fortes de 1948, ce sont d'abord les
      huiles sur toile de 1951 à1965, puis les encres de Chine
      sur papier marouflé sur toile, et les travaux à
      l'acrylique sur papier. En 1965 il peint Central Park,
      premier tableau avec des remarques marginales à
      l'encre de Chine encadrant l'image centrale à l'acrylique.
      Les prédelles viendront s'ajouter ensuite aux remarques
      marginales, puis les bordures inversant le rapport centre
      et marges dans son utilisation de l'encre et de l'acrylique.
      Ses tableaux sont "voir en deux temps. [..]Autour du
      rectangle central, de petites remarques cloisonnées -autres
      rectangles - posant à tour de rôle leur problèmes
      de composition." Alechinsky diversifie ses supports:
      papier du Japon, de Chine, de Taiwan, papier vergé,
      papier d'argent, mais aussi factures anciennes, pages d'écriture
      comptable, lettres, cartes de géographie et plans de ville
      anciens, cartes de navigation aérienne... Il pratique
      également l'estampage qu'il intègre à ses
      encres de Chine. Par cette réinvention constante du métier, du
      trait, des matières, des couleurs, du bonheur de la ligne
      et de sa rythmique serpentine ou éruptive, Alechinsky,
      ainsi que le rappelle Pierre Daix dans le catalogue de l'exposition,
      "s'est constamment acquis de nouveaux territoires en
      se faisant le peintre du recommencement de la peinture".
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