Les événements des années de guerre et les décisions qui furent prises par ceux qui vécurent cette période et qui en déterminèrent le cours retentissent encore de nos jours en Belgique. Cette exposition et la publication qui l'accompagne engagent une réflexion sur les thèmes de la responsabilité et de la collaboration, partant de l'oeuvre du photographe belge Willy Kessels (1898-1974). Si, pour les uns, il est une figure de proue du modernisme belge des années '30 et '40 dans le domaine de la photographie, pour d'autres, il est, en raison de son parcours politique, une figure maudite et son oeuvre, de ce fait, ne doit pas être exposée. Outre un espace de lecture et de documentation, l'exposition offre, â l'aide de photos issues de diverses collections publiques, un éventail des domaines très divers dans lesquels Kessels fut actif La publication éditée pour l'occasion propose une série d'essais historico-critiques avec, en contrepoint, un dialogue entre l'essayiste Dirk Lauwaert et l'artiste Craigie Horsfield. Au départ, il y avait, â la base de ce projet, un intérêt pour une oeuvre photographique consistante mais connue de manière fragmentaire seulement. La présence, dans l'exposition Montage And Modem Life au Palais des Beaux-Arts à l'automne 1992, de quelques remarquables photomontages de Kessels, avait suscité cet intérêt. En effet, seules les photos que Kessels avait réalisé en I 933 lors du tournage du film de Joris Ivens et Henri Storck, Misère ou Borinage - un vibrant appel socialiste aux réformes - n'étaient pas complètement tombées dans l'oubli. A mesure que s'étoffait le dossier des faits et que les éléments du contexte se mettaient en place, l'idée reçue selon laquelle Kessels avait été un artiste progressiste et socialement engagé fut sérieusement battue en brèche. En effet, â partir du milieu des années '30, Kessels avait été actif dans les milieux d'extrême droite et condamné, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour collaboration. La monographie de Kessels réalisée par le Musée de la Photographie à Charleroi, qui, pour la première fois, publiait cette information noir sur blanc, reçut un accueil très houleux et sans demi-mesure. Une exposition fut réalisée, mais elle ne fut jamais ouverte au public. Entre temps, la Société des Expositions travaillait déjà depuis quelques mois à un projet d'exposition. Une des problématiques esquissées par l'équipe qui a travaillé à l'exposition et à la publication bruxelloises a trait aux implications politico-idéologiques que toute étude consacrée à cette figure entraîne inexorablement. &laqno; Exposer» ne revient-il pas toujours â &laqno; donner â admirer » ? Et ne serait-ce pas, dans le cas de Kessels, on ne peut plus problématique ? Une approche &laqno; monographique », purement fondée sur les mérites artistiques et historico-artistiques du photographe, semblait en tout cas intenable. Et la réflexion sur Kessels en tant que moderniste/collaborateur ne pouvait encore moins se &laqno;limiter» â une publication très fouillée: dans l'exposition même, il fallait trouver une façon d'inscrire cet héritage avec justesse et pertinence dans le contexte d'aujourd'hui. Une façon de nous positionner avec cette oeuvre, cette biographie, dans le contexte social actuel, Sur la base de ces considérations, le projet prit un nouveau départ sous la forme d'une collaboration avec l'artiste Craigie Horsfield, dont l'oeuvre et la réflexion sont axées sur une compréhension de l'histoire. Une compréhension qui englobe la spécificité du présent et qui s'établit â travers un processus d'échange et de dialogue. En ce sens, le projet Amnésie. Responsabilité et collaboration, est porté par un dialogue entre l'essayiste Dirk Lauwaert et l'artiste Craigie Horsfield, coordonné par Christoph Ruys et Erik Eelbode. Ici, ce n'est pas la figure de Kessels qui est au centre du débat, mais bien l'exploration de modèles qui permettent d'aborder, ici et maintenant, des problématiques comme celles de la collaboration et de la responsabilité individuelle. Une série d'approches spécifiques de la figure de Kessels et du contexte général dans lequel il oeuvra, sous la forme d'essais historico-critiques signés Bert Hogenkamp, Marc Holthof, Steven Jacobs, Guy Leemans et Christine De Nayer, trouvent dans ces dialogues un contrepoint.
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