Théodoros Raftopoulos
Sans titre ("The Mountain")
- 1998
Photographie / aluminium - 152x103 cm
Sculpture biologique ou comment recoller la tête au
corps
L'espèce humaine entre dans une nouvelle phase de son
évolution, dans laquelle la transition corporelle technologique
s'accompagne aussi d'un changement révolutionnaire au
niveau de la subjectivité. Ainsi dans la "conception
globale" contemporaine, résultat de la mécanisation
de la vie, apparaissent de nouveaux champs d'hétérogénéité,
généalogiques et conceptuels. De manière
générale, le modèle post-moderne de notre
culture, la destructuration de la pensée des formes, de
la société et des cellules génétiques,
conduisent à une nouvelle vision et à une redéfinition
de la notion du corps, de soi, et du comportement social.
La possibilité de changement ou d'intervention correctrice
des caractéristiques, du sexe, de la personnalité,
des différents membres corporels et des organes, est considérée
non seulement comme un fait mais aussi comme une évolution
naturelle.
A l'époque du démenti de l'évident, où
l'offre des réalités alternatives laisse de nombreuses
possibilités de choix, l'art contemporain redéfinit
la forme humaine à travers sa déstructuration,
sa fragmentation et sa reconstruction.
C'est dans ce contexte que nous interprétons le travail
de Théodoros Raftopoulos, pour sa première exposition
personnelle. L'artiste crée, à travers l'utilisation
de la photographie et d'une vision kaléidoscopique, des
déformations et reconstructions de son corps. Le corps,
en même temps langage et matière, se fragmente et
se reconstruit, en offrant des images de lui - même non
familières et paradoxales.
Nous ressentons que ce paradoxal se produit dans le cadre d'une
logique post -humaine, où les interventions esthétiques
et génétiques abolissent les limites de l'hérédité.
Théodoros Raftopoulos propose de nouveaux modèles
de lecture du corps comme image et comme concept, en proposant
la transmission d'une sculpture biologique», laquelle résulte
du jeu kaléidoscopique et des mirages. La désintégration
et le réassemblage en recompositions formelles arbitraires
("motifs somatomorphiques") aboutissent à un
rendu du corps intentionnellement décoratif, indiquant
simultanément sa traduction cauchemardesque et perverse.
Peut-être que finalement, la biotechnologie aujourd'hui
n'est pas très éloignée de la possibilité
de création d' êtres sans cerveau qui produiront
tout simplement des pièces détachées humaines.
Pourtant, la question et la demande non seulement de la science
mais aussi de l'art restent ouvertes. Comment finalement recoller
la tête au corps?
Roula Palanta
Historienne d'art
Février 99
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