[ Galerie Nathalie Obadia ]


 

Pascal Pinaud




"JT", 1994 - médium, mine de crayon broyées, crayon de couleur
180 x132 cm - Galerie Nathalie Obadia





"Harley Davidson", 1996 - laque auto sur tôle, gomme,
pneumatique,vernis- 175 x110 x8 cm- Galerie Nathalie Obadia

 

Pascal Pinaud est peintre. Le caractère strictement disciplinaire de cette affirmation sonne étrangement dans un contexte où les anciennes catégories de l'art, définitivement sapées par les dernières avant-gardes, apparaissent à beaucoup comme des ectoplasmes conceptuels d'une histoire révolue.

Cependant cela ne signifie pas que l'artiste veuille camper, face au mythe moderniste du " dernier tableau ", la figure du " dernier peintre "; il sait que Niele Toroni l'incarne déjà depuis près d'un quart de siècle avec une apostolique obstination.

Si Pascal Pinaud ne tient en fait aucun discours théorique justifiant sa décision, il ne s'agit pas pour lui d'une quelconque restauration à connotation réactionnaire ou nostalgique, mais plus simplement de la continuation d'une pratique dégagée des idéologies qui l'ont un temps informée. En ce sens l'enquête matériologique qu'il a entreprise prend la forme d'une exploration transhistorique de la chimie du médium dans un va-et-vient complexe entre les recettes de la tradition et les expériences sur les substances picturales contemporaines.

La peinture de Pascal Pinaud, dont l'homogénéité qualitative tient pour une part au besoin apporté à la mise en oeuvre physique de chacune des étapes constitutives du tableau, se présente à nous comme une suite de compositions simples, empruntant indifféremment au vocabulaire propre de l'abstraction ( gouttes, coulures, grilles...) ou à des éléments extérieurs au monde de la peinture ( motifs de tissu, marqueteries, voiles de bateaux...) qui se trouvent ainsi réinvestis dans le processus pictural. On comprend ainsi en répétant les annexions matériologiques et lexicales qu'opère l'artiste à partir d'une problématique apparemment centrée sur une discipline dominée par le poids de sa propre histoire, comment il en élargit le champ expérimental et sémantique en évacuant parallèlement la subjectivité de la facture. L'impassibilité stylistique qui en résulte agrège en un ensemble cohérent la diversité des inventions techniques produites par le peintre.

Le classicisme froid de cette rigueur sans affect est cependant contrebalancé par la richesse de la matière picturale elle-même qui évoque la somptuosité historique du médium. Les grandes icônes hiératiques que nous propose l'artiste rayonnent parfois d'une beauté anachronique qui met en perspective les énigmes figurales dont elles sont le support et confère une profondeur étrange à leur statut d'objets picturaux décoratifs.

 

 [ Galerie Nathalie Obadia ]