[ Le Monde de l'Art]

 

DEBORAH WEINSTEIN

 



 

"Tout est poli, rangé sur les étagères, endormi, tranquille en son plastique ` ou son argenterie. Tout est mis ensemble par petits paquets, blancs, gris, par couches ou travées, sur des étagères ou dans des baquets.

Jeu de Deborah, jeu de hasard et de maitrise distraite, Jeu de l'ordre brouillon des choses, jeu de la ressemblance et de la dissemblance des objets alignés, groupés mis à l'écart, cuisine des formes et des lignes où flotte encore une légère odeur de Morandi, mais qui se serait embrouillé dans ses fioles, le végétal étant venu y pousser des racines.

Ici ce n'est pas la couleur ni la matière, mais le degré de transparence qui apparait, le degré de visibilté de ce qui est tenu à distance, la visibilté du caché, le plein sous vide.
On ne pense pas assez qu'il y a dans toute oeuvre une tentative de refaire oeuvre, une mémoire d'avant, une mémoire qui ne se souvient pas, un héritage dont il n'a pas été accusé réception. On ne pense pas assez qu'il y a dans toute oeuvre un commencement, et alors commence le jeu des ressemblances: de qui et d'où tient-elle l'oeuvre? A quoi tient-elle si ce n'est à elle-même, déja morte et pourtant renaissante, comme un miracle désinvolte ou simplement pudique, une mise en ordre qui ne donne pas d'ordre, un simple ceci offert au voir, et qui parfois mange le regard, comme un animal de compagnie ou un animal domestique, si familier mais devenu féroce. Une oeuvre qui serait un lent travail non pas d'engendrement mais d'adoption, travail de l'adoption des choses et des formes, celles qu'on ramasse et qu'on assemble, ou celles qui surgissent de la main approchant la feuille: les très anciennes, ou les appelées à naitre, indifféremment, dans un même geste."


Françoise Collin


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