[ Le Monde de l'Art]



"LES LIAGATCHEV"




Violetta Liagatchev

 

Trois artistes, trois oeuvres très différentes malgré l'appartenance à la meme mythologie, à la meme culture de la Russie et de l'immigration. Deux hommes, une femme, deux générations. A travers les oeuvres d'Oleg, de Vladimir et de Violetta Liagatchev, on peut observer les formes que prend l'art, conscient du monde, de ses paradoxes, de ses violences et qui pose des questions multiples. Chacun a une démarche propre, tantot en révolte, tantot en immigration intérieure, tantot en observateur détaché du monde. Se croisent ici l'Est et l'Ouest, les signes suspendus dans les nuages de Violetta Liagatchev, les miroirs déformés de l'utopie et de la société de consommation de Vladimir Liagatchev, ou bien l'analyse rigoureuse de la sémiotique, la géométrie en bleu-blanc-rouge d'Oleg Liagatchev.

Oleg, Vladimir et Violetta Liagatchev vivent en France respectivement depuis 20, 15 et 10 ans. Issus de l'intelligentsia petersbourgeoise qui a été à l'origine de la démocratisation de la Russie d'aujourd'hui, ils font partie de cette majorité d'artistes qui n'a pas supporté la "soviéticité", comme d'ailleurs aucune autre forme de répression. Etre dissident voulait dire faire de l'art non conforme ni à une dictature ni à une propagande.

Oleg Liagatchev commence ses recherches sémiotiques dans les années soixante. Le signe pour lui se transforme en peinture, se transforme en 3D, il limite ou englobe peinture, sculpture, espace de vie. Parfois le politique se glisse dans cette vision de la géométrie pour nous montrer des images d'un Eltsine emballé sous du bullpac. Ailleurs, les noms de révolutionnaires, d'anti-communistes sont inscrits en rangées et prennent la forme d'un cube, comme s'il voulait enfin ranger l'histoire russe.

Vladimir Liagatchev tire son parti de l'expérience, il n'a pas peur de se remettre continuellement en question. Après avoir créé des images de la Divine Comédie de Dante où se mêlent des tableaux, des photographies de la Russie "en Perestroika" comme représentation de l'Enfer, ou des images d'entassement dans des supermarchés, symboles d'un chemin vers le Paradis, il interroge le ready-made venant de l'esthétique de la consommation, autant que la tradition picturale. Il fait des installations en pierre qui pèsent quelques centaines de kilos quelque part dans la réserve naturelle de l'ile de Valam sur le lac Ladoga. Il peint des tableaux de ses sculptures pour faire vivre une oeuvre devenue l'un des éléments du paysage...

Violetta Liagatchev utilise des techniques diverses (vidéo, photographie, dessin). Sans tomber dans le politically correct ou la revendication militante, elle interroge les principes du féminisme et renouvelle les stéréotypes d'une manière extrêmement originale. L'art est selon elle une activité assexuée, et pour cette raison, il nécessite une vision du monde qui ne culpabilise pas le corps. La hiérarchie des pouvoirs est remise en cause, dans cette volonté de se débarrasser du pathos, et de distiller de l'humour dans les chose graves. Violetta Liagatchev brise la bipolarité conflictuelle homme/femme. Quête d'identité? De singularité? Pas seulement. Détournement des codes unilatéraux. Avec humour et une certaine virulence." (Véronique Pittolo)

 

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