Eros aux sources de la Kabbale Ody Saban, peintre et poète
« L’étrangère mon
amie Lilith ou Catherine de retour ». Toute l’œuvre d’Ody Saban est traversée par la figure de la femme, de la première femme selon le Talmud, Lilith, à la femme contemporaine, artiste, modèle, amoureuse, prise dans le tourbillon du désir, dans les arabesques de la ligne. Œuvres torturées et pleines de joie, d’espoir, éclairées par une énergie intérieure. Désir amoureux, désir de paix entre les êtres et les peuples, avec soi-même. L’amour s’enroule sur les toiles, se déploie, sous toutes ses formes, amour charnel ou universel, avec toujours, comme leitmotiv, l’étreinte de deux corps. Les couples s’interpénètrent dans une fusion totale, en communion intime avec le règne végétal et animal, les éléments, le cosmos. Des toiles d’araignée relient le passé et le présent, les mythes de différentes cultures, les êtres. Le trait noir de l’artiste cherche à cerner l’essence des choses, au cœur de l’élan amoureux. Tisser le trait pour plonger à la source du féminin, jusqu’à inventer une nouvelle lettre pour l’alphabet hébreu – et par là-même pour l’alphabet arabe, dans un espoir de réconciliation et de paix -, la lettre Kous, sexe féminin en hébreu et en arabe, pour faire pendant à la lettre Zayn, dont la signification première est le sexe masculin. L’artiste procède ainsi, en quelque sorte, au Tikkun, à la réparation, dans le sillage des Kabbalistes, en particulier de Louria, penseur mystique qui a vécu à Safed au 16e siècle et dont la parole tourne autour de cette notion clef. Ody Saban tente de « réparer » les torts faits aux femmes à travers les siècles, en leur redonnant une place égale aux hommes, dans un féminisme militant. Dans l’œuvre intitulée « L’étrangère mon amie. Catherine de retour », dessin en noir et blanc à l’encre de chine datant de 2004, la lettre Zayn apparaît deux fois dans des mots inscrits parmi les circonvolutions de la ligne : « hazra » : « elle est revenue » et « zara » : « l’étrangère », allusion à Lilith et à l’histoire personnelle de l’artiste. Ces deux mots renferment en leur sein, comme en secret, le sexe masculin et sont englobés dans une pyramide à l’envers, triangle du pubis, du sexe de la femme, base de la lettre Kous. Des mots turcs (« gel » : « reviens », anglais « peace »), viennent renforcer le sens, dans un étrange palimpseste. Dans cette œuvre imprégnée de la pensée kabbalistique, la lettre Alef vient se cacher dans les cornes de la démone, dans une osmose avec les figures et les rites de l’Orient néolithique. Entremêlement de langues, de corps, de cultures. Le spectateur est pris dans le tourbillon des tableaux colorés et des dessins en noir et blanc, vibrants de toute la force du souvenir, du désir. Les œuvres d’Ody Saban sont comme un cri venant nous surprendre, nous happer dans son filet labyrinthique, nous faire plonger dans cet univers organique et spirituel à la fois, si foisonnant, parfois oppressant, mais tellement fécond. Corps tatoués, tissés, enluminés. Parfois un vide surgit au milieu de ce ‘trop plein’, seins et sexe donnés à voir dans leur blancheur, tel un mystère. Personnages hybrides, couples enlacés à l’infini comme des poupées russes érotiques, figures incrustées sur la peau, dans la chair – comme enfantées par elle – de corps immenses, grandeur nature, peints sur la toile ou dessinés à l’encre de Chine, réinventent une mythologie où l’amour et la métamorphose jouent un rôle primordial. On croit reconnaitre certaines affinités avec le monde grouillant de Jérôme Bosch ou les autoportraits blessés de Frida Kahlo, mais la singularité de l’artiste dépasse les filiations et nous conduit sur son navire vers de nouveaux horizons. Rencontrer Lilith par delà Eve, dans une communion première avec Adam Kadmon et avec un clin d’œil aux sirènes ou à la Gorgone, dans un espace visuellement foisonnant où la Kabbale juive côtoie la mythologie grecque, où la déesse mère des religions des origines vient s’incarner dans la femme moderne, où les mythes se croisent, s’échangent, s’allient, tel est l’univers dans lequel nous invite Ody Saban, artiste obsessionnelle et passionnée. Anguéliki Garidis
«Une
soucoupe
volante
sur
la taille»
65 x 97 cm, aquarelle et encre de Chine sur papier, 1996. © Ody Saban «Une soucoupe volante sur la taille» 65 x 97 cm, aquarelle et encre de Chine sur papier, 1996. © Ody Saban
«
Déclaration
en
faveur de la paix »,
76 x 51 cm, encre de Chine sur papier de Chine, 2009. © Ody Saban
«
Ciel
en
feu
»
«
Coït
suspendu
»
«Toujours
pour
la
première
fois, toujours
à
l’état amoureux, je t’aime»
«
Salomon et la reine de Saba »
« Songe
navire »,
Site
internet de l'artiste : Exposition "Elles rêvent d'Eros", à la Galerie
Claire
CORCIA, présentant les peintures et dessins érotiques
d'Ody SABAN
et les sculptures en métal soudé et patiné d'Haude
BERNABÉ. |