White Spirit

Pour finir je voudrais répondre à ta dernière question: celle qui m' interroge sur la place
que j ' accorde à la beauté. Tu l' as émise au cours de notre dernier rendez-vous. C' était
un jour de soleil après la neige, et j'ai compris que la métamorphose du paysage nous
avait ramenés à ce sujet essentiel que nous avions toujours sous-entendu. Il m'est d'abord
revenu un premier souvenir: le déballage des robes dans l'atelier. Une clarté intense avait
illuminé le satin, et le sentiment de beauté qui affleurait m'avait poussé à rédiger une lettre
que je n'ai jamais envoyée. Je crois que j'y relatais cette émotion transmise par l'éclairage
du blanc. Ce n'était pas le vêtement en soi qui provoquait ce sentiment, mais plutôt cette
matière qui avait la capacité de se révéler en réfléchissant les rayons du soleil. Ma relation
avec la peinture prend ici toute sa valeur. Elle se construit sur la verticalité abstraite des
murs d'exposition: ces surfaces immaculées qu'Yves Klein intégrait à sa représentation du
vide. Dans cette pure virtualité, réceptive à la lumière, apparaissent des objets qui portent
les stigmates et les "tags" d'une réflexion enfouie. Ma perception de la beauté se rapproche
alors de l'émotion qui nous saisit lorsque se matérialise, à travers un brouillard épais, une
parcelle de réalité. Révélation apparue puis disparue dans une évanescence blanche:
White Spirit...

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